De l’influence des femmes sur la littérature française comme protectrices des lettres et comme auteurs/Réflexions préliminaires sur les femmes


RÉFLEXIONS PRÉLIMINAIRES
SUR LES FEMMES.



Les hommes de lettres ont sur les femmes auteurs une supériorité de fait qu’il est assurément impossible de méconnoître et de contester : tous les ouvrages de femmes rassemblés ne valent pas quelques belles pages de Bossuet, de Pascal, quelques scènes de Corneille, de Racine, de Molière, etc. ; mais il n’en faut pas conclure que l’organisation des femmes soit inférieure à celle des hommes. Le génie se compose de toutes les qualités qu’on ne leur conteste pas, et qu’elles peuvent posséder au plus haut degré ; l’imagination, la sensibilité, l’élévation de l’âme. Le manque d’études et l’éducation ayant dans tous les temps écarté les femmes de la carrière littéraire, elles ont montré leur grandeur d’âme, non en retraçant dans leurs écrits des faits historiques, ou en présentant d’ingénieuses fictions, mais par des actions réelles ; elles ont mieux fait que peindre, elles ont souvent, par leur conduite, fourni les modèles d’un sublime héroïsme. Nulle femme, dans ses écrits, n’a peint la grande âme de Cornélie ; qu’importe, puisque Cornélie elle-même n’est point un être imaginaire ? et n’avons-nous pas vu, de nos jours, durant les tempêtes révolutionnaires, des femmes égaler les héros par l’énergie de leur courage et par leur grandeur d’âme ? Les grandes pensées viennent du cœur[1], et de la même source doivent (quand rien ne s’y oppose) résulter les mêmes effets.

On répète, pour prouver l’infériorité des femmes, que nulle d’elles n’a fait un bonne tragédie, ou un beau poëme épique. Une multitude innombrable d’hommes de lettres ont fait des tragédies, et nous ne comptons que quatre grands poëtes tragiques, et c’est beaucoup ; nulle autre nation n’en peut compter autant. Nous n’avons qu’un seul poëme épique, et il faut avouer qu’il est extrêmement inférieur au Paradis perdu et à la Jérusalem délivrée. Cinq femmes seulement parmi nous ont essayé de faire des tragédies, et non-seulement aucune n’a éprouvé, comme tant d’auteurs, le chagrin d’une chute honteuse, mais toutes ces tragédies eurent un grand succès dans leur nouveauté[2]. Les jeunes gens au collége, nourris de la lecture des Grecs et des Latins, font presque tous des vers ; et pour peu qu’ils aient de talens, ils forment le désir ambitieux de travailler pour le théâtre. On doit convenir que ce n’est pas une idée qui puisse se présenter aussi naturellement à une pensionnaire de couvent, et à une jeune personne qui entre dans le monde. Dira-t-on que nul des rois, des grands capitaines, des hommes d’état, n’a eu de génie, parce qu’aucun d’eux n’a fait une tragédie, quoique néanmoins plusieurs d’entr’eux aient été poëtes ? Dira-t-on que les Suédois, les Danois, les Russes, les Polonais, les Hollandais, ces peuples si spirituels, si policés, ont une organisation inférieure à celle des Français, des Anglais, des Italiens, des Espagnols et des Allemands, parce qu’ils n’ont pas produit de grands poëtes dramatiques ? Nous ne pouvons exceller dans un art que lorsque cet art est généralement cultivé dans notre nation, et dans la classe où le ciel nous a placés. Le peuple le plus célèbre dans l’histoire, les Romains, n’ont point eu de bons poëtes tragiques. Des millions de porte-faix, et des milliers de religieuses et de mères de famille auroient pu, avec une éducation différente, et dans une autre situation, composer d’excellentes tragédies. La faculté de sentir et d’admirer ce qui est grand, ce qui est beau, et la puissance d’aimer, sont les mêmes dans les deux sexes : ainsi l’égalité morale est parfaite entr’eux.

Mais si trop peu de femmes (faute d’études et de hardiesse) ont fait des tragédies et des poëmes pour avoir pu s’égaler aux hommes à cet égard, elles les ont souvent surpassés dans plusieurs ouvrages d’un autre genre. Aucun homme n’a laissé un recueil de lettres familières que l’on puisse comparer aux Lettres de madame de Sévigné et à celles de madame de Maintenon ; la Princesse de Clèves, les Lettres Péruviennes, les Lettres de madame Riccoboni, les deux derniers romans de madame Cotin, sont infiniment supérieurs à tous ceux des romanciers français, sans en excepter ceux de Marivaux, et moins encore les ennuyeux et volumineux ouvrages de l’abbé Prévôt. Car Gilblas est un ouvrage d’un autre genre ; c’est la peinture des vices, des ridicules produits par l’ambition, la vanité, la cupidité, et non le développement des sentimens naturels du cœur ; l’amour, l’amitié, la jalousie, la piété filiale, etc. L’auteur, si spirituel et souvent si profond dans ses plaisanteries, n’avoit étudié, et ne connoissoit bien que les intrigans subalternes et les ridicules de l’orgueil ; quand il quitte son pinceau satirique, il devient commun ; tous les épisodes de Gilblas qu’il a voulu rendre intéressans et touchans, sont fades et mal écrits.

Madame Deshoulières n’a point de rivaux dans le genre de poésie dont elle a laissé de si charmans modèles. Les hommes qui assignent les rangs dans la littérature, puisqu’ils en dispensent les honneurs et en distribuent les places, dont toutes les femmes sont exclues, donnent souvent de la célébrité à des talens fort médiocres. Par exemple, si d’Alembert n’eût été ni géomètre, ni académicien, malgré son acharnement contre la religion, son mépris pour les rois et pour la France, ses écrits sont si froids, si dénués de grâces, de pensées et de naturel, qu’ils seroient oubliés déjà. Une femme qui auroit eu le malheur de composer la plupart de ses éloges académiques, ne paroîtroit à tous les yeux qu’une précieuse ridicule[3]. Cependant l’académie reçut d’Alembert comme le littérateur le plus distingué. Et l’auteur d’Ariane et du Comte d’Essex, frère du créateur parmi nous de la tragédie et de la comédie, ne fut élu qu’après la mort du grand Corneille ; mais on reçut le marquis de Saint-Aulaire pour un madrigal, tandis que le fils du grand Racine, auteur lui-même d’un beau poëme, ne fut jamais admis dans son sein ! Cette même académie fit la plus injuste critique du Cid, le premier chef-d’œuvre qui ait honoré la scène française, et elle prit le deuil à la mort de Voiture !…… S’il existoit une académie de femmes, on ose dire qu’elle pourroit sans peine se conduire mieux et juger plus sainement.

Il est difficile de concilier entr’eux les jugemens universellement portés sur les femmes ; car ils sont, ou contradictoires, ou vides de sens : on leur accorde une extrême sensibilité, on dit même qu’elle est plus vive que celle des hommes, et on leur refuse de l’énergie ; mais qu’est-ce qu’une extrême sensibilité sans énergie, c’est-à-dire une sensibilité qui ne rendroit pas capable de tous les sacrifices et d’un grand dévouement ? Et qu’est-ce que l’énergie, sinon cette force d’âme, cette puissance de volonté qui, bien ou mal employées, donnent une constance inébranlable pour arriver à son but, ou fait tout braver, les obstacles, les périls, la mort même, pour l’objet d’une passion dominante ? La ténacité de volonté des femmes pour tout ce qu’elles désirent ardemment, a passé en proverbe : ainsi donc on ne leur conteste pas ce genre d’énergie qui exige une extrême persévérance. Qui pourroit ne pas reconnoître en elles l’énergie qui demande un courage héroïque ? en manquoit-elle, cette princesse infortunée qui vient de se précipiter au milieu des flammes pour chercher sa fille ? — Et parmi tant de nobles victimes de la foi, parmi tant de martyrs qui ont persisté dans leur croyance avec une énergie si sublime, et malgré l’horreur des plus affreux supplices, ne compte-t-on pas autant de femmes que d’hommes ?…

On prétend que les femmes par leur organisation sont douées d’une délicatesse que les hommes ne peuvent avoir ; ce jugement favorable ne me paroît pas plus fondé que tous ceux qui leur sont désavantageux : plusieurs ouvrages faits par des gens de lettres, prouvent que ce mérite n’est nullement exclusif chez les femmes ; mais il est vrai que c’est un des caractères distinctifs de presque tous leurs écrits. Cela doit être, parce que l’éducation et la bienséance leur imposent la loi de contenir, de concentrer presque tous leurs sentimens, et d’en adoucir toujours l’expression : de là ces tournures délicates, cette finesse exercée à faire entendre ce que l’on n’ose expliquer ; ce n’est point de la dissimulation ; cet art en général n’est point de cacher ce qu’on éprouve ; sa perfection au contraire est de le faire bien connoître sans l’expliquer, sans employer des paroles que l’on puisse citer comme un aveu positif : l’amour surtout rend cette délicatesse ingénieuse ; il donne alors aux femmes un langage touchant et mystérieux, qui a quelque chose de céleste, car il n’est fait que pour le cœur et l’imagination ; les paroles articulées ne sont rien, le sens secret est tout, et ne peut être bien compris que par l’âme à laquelle il s’adresse. Indépendamment de tous les principes qui rendent la pudeur et la retenue si indispensables dans une femme, que de contrastes résultent de cette timidité d’un côté, et de cette audace, de cette ardeur de l’autre ! que de grâces dans une femme jeune et belle, lorsqu’elle est ce qu’elle doit être ! tout en elle est d’accord ; la délicatesse de ses traits, de ses formes et de ses discours ; la modestie de son maintien et de ses longs vêtemens ; la douceur de sa voix et de son caractère ; elle ne se déguise point, mais elle se voile toujours ; ce qu’elle dit d’affectueux est d’autant plus touchant, que loin d’exagérer ce qu’elle éprouve, elle doit l’exprimer sans véhémence ; sa sensibilité est plus profonde que celle d’un homme, parce qu’elle est plus contrainte ; elle se décèle et ne s’exhale point ; enfin, pour la bien connoître et pour l’entendre, il faut la deviner ; elle attire autant par l’attrait piquant de la curiosité que par ses charmes. Quel mauvais goût il faut avoir pour dévoiler tout ce mystère, pour anéantir toutes ces grâces, en présentant dans un roman, ou dans un ouvrage dramatique, une héroïne sans pudeur, s’exprimant avec tout l’emportement de l’amant le plus impétueux ! c’est cependant ce que nous avons souvent vu depuis quelques années. En transformant ainsi les femmes, on a cru leur donner de l’énergie, on s’est trompé : non-seulement on ne pouvoit les dépouiller de leurs grâces naturelles sans leur ôter toute leur dignité, mais ce langage véhément et passionné leur ôte encore tout ce qu’elles avoient de véritablement touchant.

Si l’on veut réfléchir aux situations et aux scènes qui, dans les ouvrages d’imagination et au théâtre, produisent le plus d’effet, on verra toujours que ces grands effets sont dus aux réticences et aux sentimens contraints, c’est-à-dire aux sentimens que l’on n’ose montrer ouvertement, ou que l’on voudroit cacher.

Lorsqu’Orosmane dit :

Je ne suis point jaloux ; si je l’étois jamais…

il fait frémir, parce qu’il parle à l’imagination qui se représente aussitôt à la fois et vaguement des vengeances terribles et des excès inouïs ; et si Orosmane eût déclaré qu’il seroit capable de tuer sa maîtresse, il n’auroit fait aucune impression.

Le beau vers de situation des Troyennes :

Ces farouches soldats, les laissez-vous ici ?

ne fait une si vive sensation que parce que cette mère tremblant pour son fils qu’elle vient de cacher, n’ose demander ouvertement qu’on éloigne ces soldats ; elle contraint sa frayeur pour ne pas trahir son secret, et l’on frémit avec elle ; car le spectateur qui connoît sa situation, croit lire dans son âme ; il y découvre une inquiétude déchirante que nul langage ne pourroit exprimer.

Quand, dans Bajazet, Roxane dit :

Écoutez, Bajazet, je sens que je vous aime,

elle fait infiniment plus d’effet que si elle employoit l’expression la plus passionnée. Si elle s’écrioit je t’adore, le spectateur resteroit froid ; mais on voit que, voulant intimider Bajazet, et redoutant de lui donner des armes contre elle, son dessein est de cacher sa passion, et que, même dans ce mouvement qui la décèle, elle en contraint l’expression : alors ce mot si simple, surtout dans une femme naturellement si emportée, si violente, je sens que je vous aime, est mille fois plus théâtral que ne pourroient l’être le retour et les transports d’amour les plus véhémens.

Dans Phèdre, l’intérêt de la belle scène entre Hippolyte et Thésée, n’est fondé que sur la contrainte que s’impose le jeune prince qui ne veut point se justifier en accusant Phèdre.

Une des plus belles scènes de Zaïre est celle dans laquelle Orosmane veut cacher à Zaïre sa jalousie et sa colère.

Il seroit facile de multiplier à l’infini ce genre de citations, qui prouvent que la contrainte et la retenue qui, dans mille occasions, donnent aux sentimens tant de délicatesse, leur peuvent donner aussi souvent beaucoup plus d’énergie que les expressions les plus fortes, et que le langage le plus passionné. Le caractère naturel des femmes offre toutes ces ressources, tous ces moyens dramatiques ; il présente de plus le contraste le plus agréable ou le plus touchant avec celui des hommes : c’est donc une grande maladresse de le dénaturer, et qui décèle une extrême ignorance de l’art d’émouvoir et de plaire. Aussi les anciens et les modernes du bon temps n’ont fait parler avec véhémence que des femmes capables de commettre des crimes[4] : Hermione, Phèdre, etc. Mais quel doux langage dans les situations les plus violentes, que celui d’Andromaque, d’Iphigénie, de Josabet, de Zaïre, etc. ! et comme elles savent aimer ! quelle profondeur dans leurs sentimens !… Josabet craint pour sa religion et pour l’enfant qu’elle aime uniquement ; mais quel contraste admirable perdu, si, dans ses discours, elle avoit la force et la véhémence du grand-prêtre !

On reviendra à la nature et à la vérité ; c’est toujours par un défaut de réflexion et de goût qu’on s’en écarte. Ici une objection se présente : Les femmes, parmi nous si différentes des sauvages, sont-elles réellement ce que la nature a voulu qu’elles fussent, et ce qu’elles doivent être ? Oui, parce que les sauvages ne sont que dans un état de dégradation et d’anarchie. Dieu qui n’a rien fait en vain, n’a pas donné à l’homme tant de facultés intellectuelles pour que ces facultés admirables restassent enfouies. Les développer, les étendre, c’est remplir le vœu de la nature. L’homme est évidemment fait pour vivre en société, pour avoir un culte, des lois, et pour cultiver les sciences et les arts. Chez les sauvages, toutes les lois de la nature sont outragées, tous les droits usurpés au hasard, parce qu’ils y sont méconnus : de profondes réflexions, l’expérience des siècles, l’accord unanime de tous les peuples civilisés, ont fixé les idées sur la véritable destination des femmes, et par conséquent leur état dans la société.

Les femmes, plus foibles physiquement que les hommes, et dépositaires des enfans, ne sont pas destinées par la nature à combattre, à porter les armes ; et qui ne peut défendre, n’est pas fait pour commander et pour régner. Par la même raison, elles ont droit à la protection ; la force généreuse doit les dédommager par les égards et toutes les déférences, du pouvoir que la raison leur refuse. Beaucoup de princesses ont gouverné avec génie, avec succès, mais elles auroient acquis plus de gloire encore si elles eussent été des hommes. Les grâces sont si nécessaires à un être dont le véritable empire est fondé sur l’amour, que ni la morale, ni la politique n’empêcheront les femmes d’attacher un grand prix à ce frivole avantage : on n’en trouveroit peut-être pas une seule de vingt ans[5], qui, possédant une éclatante beauté, consentît (si l’échange étoit possible) à la perdre, pour acquérir un trône. Et dans une souveraine, quels pernicieux résultats peut avoir cette frivolité ! Ce fut une rivalité de figure et d’agrément, qui décida Elisabeth, reine d’Angleterre, à violer tous les droits sacrés de l’hospitalité, de la justice et de la royauté, en faisant périr sur un échafaud, au bout de dix-neuf ans de captivité, la reine infortunée qui étoit venue volontairement se remettre entre ses mains et lui demander un asile.

Il faut donc convenir qu’en général les femmes ne sont faites ni pour gouverner, ni pour se mêler des graves intérêts de la politique. Doit-on en conclure qu’en elles la supériorité de l’esprit est un malheur ? Non ? sans doute, puisque, épouses et mères, elles peuvent en faire un utile usage par l’ascendant de l’amour, de l’amitié, et par l’autorité maternelle. Enfin, pourquoi leur seroit-il interdit d’écrire et de devenir auteurs ? Je connois tous les raisonnemens qu’on peut opposer à cette espèce d’ambition, je les ai moi-même employés jadis avec ce sentiment de justice qui fait souvent pousser l’impartialité jusqu’à l’exagération ; maintenant, à la fin de ma carrière, je puis à cet égard parler plus librement, parce que je me sens tout à fait désintéressée dans une cause que je ne regarde plus comme la mienne.

L’argument le moins profond, le plus vulgaire, mais le plus fort aux yeux de tout le monde contre les femmes auteurs est celui-ci : que le goût d’écrire et le désir de la célébrité leur donnent du dédain pour la simplicité des devoirs domestiques : comme ces devoirs, dans une maison bien ordonnée, ne peuvent jamais prendre plus d’une heure par jour, cette objection est absolument nulle. Dans le siècle où les gens de lettres mènent la vie la plus dissipée, dans le siècle où l’on voit si peu d’auteurs laborieux, on feint de croire que, pour cultiver la littérature, il faut écrire sans relâche depuis l’aurore jusqu’au milieu des nuits : les personnes actives et sages trouvent sans peine le moyen d’accorder leurs devoirs avec des goûts nobles et utiles. S’il faut qu’une femme, après avoir le matin réglé ses comptes, et donné ses ordres à ses gens, se concentre ensuite dans cette pensée pendant tout le reste du jour, il faut non-seulement lui défendre de cultiver les arts, mais lui interdire aussi la lecture. Ce ne sont pas des goûts sédentaires qui peuvent distraire les femmes de leurs devoirs ; laissons-les écrire, si elles sacrifient à cet amusement les spectacles, le jeu, les bals et les visites inutiles. Voilà les dissipations dangereuses qui empêchent de bien élever ses enfans, qui désunissent et qui ruinent les familles. L’abus d’une chose jette toujours dans l’extrémité opposée. On a voulu faire de toutes les jeunes personnes des artistes célèbres ; aujourd’hui l’on soutient qu’une ignorance absolue est tout ce qui leur convient. On doute que cette manière de simplifier l’éducation répande beaucoup de charmes dans l’intérieur des ménages ; les dons de la nature sont si précieux, qu’on ne doit en rejeter aucun : ainsi toutes dispositions véritables, toute aptitude non douteuse à un art, méritent d’être cultivées, parce qu’alors on a la certitude de donner un grand talent, c’est-à-dire la plus noble de toutes les ressources dans l’adversité, et l’amusement le plus agréable et le plus innocent dans toutes les situations de la vie. Qu’on ne donne de maîtres de chant et d’instrument qu’aux jeunes personnes qui ont de la voix, de l’oreille et le sentiment de la musique ; qu’on n’enseigne le dessin qu’à celles qui ont le goût de cet art, et le nombre des amateurs sera infiniment restreint, et l’on ne rencontrera plus cette foule de petits talens à grandes prétentions, qui jettent tant d’ennui dans la société. La même règle peut s’appliquer aux élèves qui annoncent un esprit très-distingué. On doit mettre un soin particulier à former, à orner leur mémoire, et même à leur enseigner les langues savantes. Celles-là, par la suite, deviendroient vraisemblablement auteurs, mais elles entreroient dans cette carrière avec l’avantage immense que peuvent donner de bonnes études. Les femmes ignorantes et sans talent n’oseroient lutter contre elles avec cette inégalité de fait : on ne les compare point aux hommes, elles bravent leur supériorité ; mais elles craindroient celle des personnes de leur sexe : de sorte que le nombre effrayant des femmes auteurs seroit excessivement réduit, et il n’y en auroit plus de ridicules. Mais il faut que les femmes sachent à quelles conditions il leur est permis de devenir auteurs. i°. Elles ne doivent jamais se presser de faire paroître leurs productions ; durant tout le temps de leur jeunesse, elles doivent craindre toute espèce d’éclat, et même le plus honorable ; 2°. toutes les bienséances leur prescrivent de montrer invariablement dans leurs écrits le plus profond respect pour la religion, et les principes d’une morale austère ; 3°. elles ne doivent répondre aux critiques que lorsqu’on fait une fausse citation, ou lorsque la censure est fondée sur un fait imaginaire. Une femme qui, dans ses réponses, prendroit le ton violent de la colère, ou qui se permettroit la moindre personnalité, auroit beaucoup plus de tort qu’un homme, parce que son sexe lui impose plus de délicatesse, de modestie et de douceur. Je n’exhorte point les femmes à jouer un rôle de victimes ; au contraire, je les invite à prendre un avantage immense sur la plus grande partie des critiques modernes, par un ton noble et sérieux quand l’ironie est déplacée, et par des égards et une bienséance qui seroient aujourd’hui très-remarquables dans les discussions littéraires.

Les femmes, par la finesse d’observation dont elles sont capables, par la grâce et la légèreté de leur style, seroient elles-mêmes (avec des études et de l’instruction) d’excellens critiques des ouvrages d’imagination : mais ce genre a des règles comme tous les autres ; il n’est pas inutile de les rappeler brièvement ici.

La critique aujourd’hui n’est qu’un éternel persifflage plus ou moins spirituel, et toujours plus ou moins usé ; car depuis les Lettres provinciales, création et chef-d’œuvre de ce genre de critique, les auteurs ont pris un tel goût pour la moquerie, qu’ils en ont adopté le ton, même dans leurs propres fictions. Voltaire et ses imitateurs ne savent conter qu’en se moquant de ce qu’ils disent, de leurs personnages, de leurs héros, de leurs propres principes. Cette manière peut avoir de la grâce dans une courte narration, mais cette continuelle ironie, dans une multitude de contes, y jette une monotonie que l’esprit seul de Voltaire pouvoit faire pardonner.

Comme il y auroit autant d’inconséquence que d’impolitesse à se moquer d’une personne qu’on estime, il n’est ni plus honnête, ni plus convenable de prendre ce ton insultant, en rendant compte d’un ouvrage estimable, et qu’on reconnoît pour tel. La censure alors doit être sérieuse ; la sévérité n’est point offensante, la raillerie l’est toujours dans cette occasion ; l’ironie, c’est-à-dire la moquerie, n’est bien placée que lorsque l’on critique un ouvrage ridiculement écrit, ou qui contient des principes dangereux, ou lorsque l’auteur, en parlant de lui-même, montre sans pudeur un orgueil révoltant. Car, comme le dit un ancien cité par Pascal : Rien n’est plus dû à la vanité que la risée ; hors ces trois cas, il est injuste, il est du mauvais goût de joindre de petites moqueries à des éloges mérités : mais on veut être toujours piquant, on n’a qu’une manière, et l’on est commun.

Après les injures, rien ne nuit à l’effet de la critique comme le ton de malveillance, et l’ironie le donne toujours. Plus la critique est délicate, polie, plus elle paroît ménagée, et plus elle porte coup. Le lecteur va beaucoup plus loin que le critique, s’il peut croire qu’il ménage celui qu’il censure. Une teinte d’exagération aux éloges mettroit le comble au poids des critiques ; ce soin de les contre-balancer les rendroit plus piquantes. Je ne propose point un art perfide, je propose d’adopter, dans les écrits, la grâce, l’urbanité, la politesse dont rien ne dispense dans la société et dans la conversation.

Il est étrange que dans une classe où l’éducation a été plus soignée, où les études ont été meilleures, des hommes bien nés, et distingués par leur esprit et leurs connoissances, se permettent, en écrivant, ce qu’ils rougiroient de se permettre dans de simples entretiens, et ce qui, en effet, ne pourroit être toléré en bonne compagnie. S’il existoit un état où l’on eût, impunément et sans conséquence, la liberté d’injurier publiquement ceux qu’on n’aime point, d’attaquer sans ménagement ceux dont on n’a point à se plaindre, et de manquer d’égards à tout le monde, cet état seroit bien méprisable ; heureusement il n’en est point de tel. L’état de journaliste, très-honorable et très-utile aux lettres, demande autant de qualités morales que de talens littéraires. Il est même nécessaire qu’un journaliste ait l’usage du monde, afin qu’il puisse contredire sans impertinence, décider sans prendre un ton doctoral, et critiquer sans offenser : celui-là réservera les traits piquans, pour ridiculiser le vice, le mauvais goût ; il emploiera la raillerie, la moquerie contre l’orgueil et les sots présomptueux, et il aura assez d’occasions d’en faire usage.

Le bon goût, les vrais principes de la littérature bien médités, suffiroient pour établir, parmi les gens de lettres, des égards, une délicatesse qui auroient une grande influence sur les sentimens ; le respect pour soi-même, l’intérêt personnelles emploieroient ; mais l’esprit, le talent y gagneroient, et même la morale et les mœurs. L’auteur, critiqué sans être outragé, seroit forcé de répondre sans humeur ; on ne verroit plus de ces querelles grossières, aussi ridicules que scandaleuses, qui font triompher les sots, toujours charmés de pouvoir se persuader qu’on manque de savoir-vivre et d’honnêteté dès qu’on se consacre à la littérature.

Chez toutes les nations civilisées, le pouvoir suprême des formes l’emporte presque toujours, dans la société, sur le fond des choses. Il semble que nos procédés, inspirés par l’exemple et par des principes reçus, nous appartiennent moins que nos manières qui nous sont propres. C’est ainsi que la reconnoissance et l’amitié naissent moins des bienfaits que des formes qui les accompagnent ; et de même, ce n’est pas la critique qui nous blesse et qui nous irrite, c’est la manière dont on la fait. N’oserois-je parler des égards particuliers que des gens de lettres, des Français, doivent aux femmes qui sont entrées dans la même carrière ? Pourquoi le craindrois-je ? On peut faire librement ces réflexions quand on écrit depuis trente-cinq ans. Je dois être accoutumée au ton de critique dont je suis l’objet. Je reconnois même avec plaisir que souvent j’ai eu lieu d’en être contente : ainsi je m’oublierai, sans aucun effort, dans l’examen que je vais faire.

J’ai lu dans un journal cette étrange sentence contre les femmes auteurs : qu’elles ne méritent aucun égard, parce qu’en de venant auteurs, elles abjurent leur sexe et renoncent à tous leurs droits, etc.

Cet arrêt est d’autant plus foudroyant, qu’il est formel, absolu, sans adoucissement, sans aucune exception… Quoi ! madame de la Fayette, madame de Lambert, madame de Graffigny, ces femmes charmantes, d’une conduite si irréprochable, d’un talent si distingué, abjurèrent leur sexe en devenant auteurs, et ne méritoient plus d’égards ! On ne pensoit pas ainsi dans le temps où elles ont vécu. À quoi doivent donc s’attendre les femmes auteurs qui n’ont ni ce rare mérite, ni cette considération personnelle ? Elles seront donc poursuivies, injuriées, bafouées impitoyablement et sans relâche ! Et celles qui auroient eu le malheur de faire de mauvais ouvrages, et d’y insérer des erreurs répréhensibles, quel seroit leur sort ? On les lapideroit apparemment.

Si l’on disoit que celui qui a prononcé une telle sentence contre les femmes, abjuroit dans ce moment son sexe et sa patrie, ce jugement rigoureux seroit approuvé de tous les Français.

Une femme qui n’a écrit que des ouvrages moraux ou utiles, et avec succès, mérite tous les égards dus à son sexe et tous ceux que l’on ne peut refuser aux auteurs estimables : celle que son imagination égareroit, et qui publieroit un ouvrage condamnable, en mériteroit moins sans doute ; mais il faudroit encore, en la critiquant, se rappeler toujours que l’auteur est une femme, elle n’auroit point abjuré son sexe ; un écart n’est point une abjuration.

Enfin, on veut au vrai nous persuader que, dès qu’une femme s’écarte de la route commune qui lui est naturellement tracée, alors même qu’elle ne fait que des choses glorieuses et qu’elle conserve toutes les vertus de son sexe, elle ne doit plus être regardée que comme un homme, et qu’elle n’a aucun droit à un respect particulier : par conséquent, madame Dacier, qui traduisit Homère avec une si profonde érudition ; la maréchale de Guébriant, qui remplit les fonctions d’ambassadeur, et qui en eut le titre, n’étoient au vrai que des espèces de monstres ! De toutes les carrières, celle qui convient le moins aux femmes est assurément celle des armes. Néanmoins les héros ont cru devoir se montrer plus magnanimes envers des femmes guerrières qu’avec des ennemis de leur sexe. Hercule, qui vainquit les Amazones, leur rendit les plus grands honneurs : dans les combats littéraires de nos jours, on ne voit rien de semblable ; les journalistes n’ont ni la massue d’Hercule, ni sa générosité.

Dans le siècle de Louis XIV, où l’on vit tant d’hommes d’un talent éminent, où l’on vit briller tous ces génies sublimes qui ont à jamais illustré la littérature française, dans ce siècle où les mœurs furent infiniment plus graves que les nôtres, il y eut une multitude de femmes auteurs dans tous les genres et dans toutes les classes ; et non-seulement les gens de lettres ne se déchaînèrent point contre elles, ne déclamèrent point contre les femmes auteurs, mais ils se plurent à les faire valoir et à leur rendre tous les hommages de l’estime et de la galanterie. Cette conduite, ces procédés n’ont rien qui doive surprendre. Alors nulle rivalité d’auteurs ne pouvoit raisonnablement exister entre les hommes et les femmes, et l’on sait que la supériorité incontestable est toujours indulgente, et que la force est toujours généreuse.


  1. Vauvenargues.
  2. Arrie et Petus, de mademoiselle Barbier, eut seize représentations ; toutes ses autres pièces furent de même reçues avec de grands applaudissemens. Laodamie, de mademoiselle Bernard, eut vingt représentations ; Brutus, de la même, en eut vingt-cinq. Les Amazones, de madame du Bocage, eurent aussi un grand nombre de représentations. Son poëme épique, la Colombiade, eut beaucoup de succès, et fut traduit en plusieurs langues.
  3. Voyez la note à la fin des Réflexions préliminaires.
    Quand on s’expose à scandaliser les foibles, il faut prouver par des faits l’opinion qu’on énonce. Quelle est la femme auteur, quel est même l’admirateur des écrits de M. d’Alembert, qui voulût avoir écrit le morceau suivant, morceau important, médité avec soin, fait avec grande prétention, enfin un parallèle de trois grands écrivains (Racine, Boileau, Voltaire) ? On a dû employer toutes les ressources de son imagination et tout son talent pour composer un tel morceau ; le voici :
    « Ne seroit-il pas possible de comparer ensemble nos trois grands maîtres en poésie, Despréaux, Racine et Voltaire ? Ne pourroit-on pas dire, pour exprimer les différences qui les caractérisent, que Despréaux frappe et fabrique très-heureusement ses vers ; que Racine jette les siens dans une espèce de moule parfait, qui décèle la main de l’artiste, sans en conserver l’empreinte ; et que Voltaire, laissant comme échapper des vers qui coulent de source, semble parler sans art et sans étude sa langue naturelle ? Ne pourroit-on pas observer, qu’en lisant Despréaux, on conclut et on sent le travail ; que dans Racine on le conclut sans le sentir, parce que, si d’un côté la facilité continue en écarte l’apparence, de l’autre la perfection continue en rappelle sans cesse l’idée au lecteur ; qu’enfin, dans Voltaire le travail ne peut ni se sentir, ni se conclure, parce que les vers moins soignés qui lui échappent par intervalles, laissent croire que les beaux vers qui précèdent et qui suivent n’ont pas coûté davantage au poète ? Enfin, ne pourroit-on pas ajouter, en cherchant dans les chefs-d’œuvre des beaux-arts un objet sensible de comparaison entre ces trois grands écrivains, que la manière de Despréaux, correcte, ferme et nerveuse, est assez bien représentée par la belle statue du Gladiateur ; celle de Racine, aussi correcte, mais plus moelleuse et plus arrondie, par la Vénus de Médicis ; et celle de Voltaire, aisée, svelte et toujours noble, par l’Apollon du Belvédère ? » — Éloge de Despréaux. Il est inutile d’insister sur le ridicule inoui de cet étrange galimatias, qui nous apprend que Racine jette ses vers dans une espèce de moule parfait ; qu’en lisant Despréaux, on sent et on conclut le travail ; que dans Racine, on le conclut sans le sentir ; que dans Voltaire, on ne peut ni le sentir, ni le conclure ; qu’enfin, la manière de Despréaux ressemble à la statue du Gladiateur ; celle de Racine, plus arrondie, à la J^ènus de Médicis ; celle de Voltaire, plus svelte, à l’Apollon du Belvédère. D’Alembert, dans ce même éloge, dit que dans la partie du sentiment, il manquoit à Despréaux une espèce de sens. Car, ajoute l’orateur, si l’imagination y qui est pour le poe’ie comme le sens de la vue, doit lui représenter vivement les objets et les revêtir de ce coloris brillant dont il anime ses tableaux, la sensibilité, espèce d’odorat d’une finesse exquise, va chercher profondément dans la substance de tout ce qui s’offre à elle, ces émotions fugitives, mais délicieuses, dont la douce impression ne se fait sentir qu’aux âmes dignes de l’é*prouver ; c’est-à-dire, que cette espèce d’odorat qui, dans toutes les substances, cherche profondément ce qui s’offre à elle, la sensibilité, ne se fait sentir qu’aux âmes sensibles. Voilà un beau raisonnement, et une définition bien claire et bien éloquente ! On l’a dit souvent, et il est toujours utile de le répéter, on peut trouver dans les ouvrages d’un bon écrivain des pages foibles, d’un style froid et négligé ; on y peut trouver des incorrections, des longueurs, mais on n’y trouvera jamais des galimatias aussi absurdes et aussi ridicules, et les éloges de M. d’Alembert en sont remplis, Quelle femme ( parmi celles qu’on peut citer) voudroit avoir montré dans ses écrits aussi peu de goût et de raison ? S il en est auxquelles on a pu reprocher le manque de naturel et de clarté, du moins il y a toujours dans les passages défectueux de leurs livres de l’esprit, ou quelque chose de brillant qui peut séduire ; mais les galimatias de 31. d Alembert sont aussi insipides qu’incompréhensibles, et il y a de plus dans tous ses éloges un ton doctoral, une pédanterie, un mélange d hypocrisie et d’insolence, et une haine pour la Fiance, un acharnement à dépriser son pays, qui les rend véritablement odieux. Quand on connoît toutes les déclamations des philosophes modernes contre 1 intolérance du gouvernement, on ne revient pas de son étonnement en lisant ces éloges, en se représentant M. d’Alembert disant dans une séance publique :
    « Que la place de censeur royal est proprement un emploi de commis à la douane des pensées. Que celle place n’est guère plus agréable, soit pour ceux qui l’exercent, soit pour ceux qui en souffrent, que le métier de commis à la douane des fermes. Un censeur royal doit se regarder comme une espèce d’inquisiteur subalterne, qui se trouve à tout moment dans la nécessité ou de se rendre odieux aux auteurs qu’il mutile, ou de se compromettre par son indulgence. » — Éloge de Cousin.
    Ces inquisiteurs n’étoient pourtant pas bien dangereux, puisqu’on pouvoit en public montrer un tel mépris pour eux, et parler ainsi d’un emploi nommé par le roi, et portant par cette raison le surnom de royal.
    C’est ce même d’Alembert qui, dans une autre séance publique, en parlant des grands globes de Coronelli, offerts jadis à Louis XIV, et qu’on venoit de placer récemment dans la Bibliothèque du roi, dit : « On ajoute que le malheur des circonstances avoit empêché de faire les dépenses nécessaires pour placer ces globes dans un lieu où la nation et les étrangers désiroient de les voir. Gémissons d’une si fâcheuse excuse ; mais respectons-la dans notre douleur, si le malheur des circonstances n’a pas permis des dépenses plus onéreuses et plus inutiles. » — Éloge du cardinal d’Estrées, En se récriant sur la barbarie du langage gothique de nos édits, d’Alembert fait cette réflexion : « C’est bien assez que nos lois soient quelquefois atroces et absurdes, sans leur prêter un jargon inintelligible, comme si l’on vouloit joindre la barbarie de la forme à celle du fond. » Dans quel pays permet-on et peut-on permettre ces injures, proférées publiquement contre le gouvernement et les lois de son pays ? et néanmoins l’auteur vécut paisible, heureux, et même honoré dans cette patrie qu’il méprisoit si ouvertement. On formeroit plusieurs volumes de citations de cette espèce, tirées des ouvrages de cet auteur, surtout si l’on y ajoutoit toutes les invectives contre les rois, les nobles, les ministres, tous les gens en place, et contre la France en particulier. Mais l’auteur ne se regardoit pas comme Français ; aussi dit-il dans ses lettres : « Je renoncerois sans regret à une patrie qui ne veut pas l’être. » De quoi donc avoit-il à se plaindre ? non-seulement il n’a jamais été persécuté ni dans sa personne, ni dans ses ouvrages ; mais il fut admis dans toutes les académies du royaume, il eut des pensions du gouvernement, il ne reçut du public que des témoignages de bienveillance ; d’où viennent donc cette morosité, ce mécontentement, qui percent dans tous ses écrits, et cette haine envenimée contre sa patrie ? Grâce au ciel, aucune femme auteur jusqu’ici n’a montré dans ses ouvrages cette odieuse inconséquence et cette basse ingratitude.
  4. Ou nées chez des barbares, ou peu civilisées encore.
  5. À l’exception des recluses.