De l’Imitation de Jésus-Christ (Brignon)/Livre 3/17

Traduction par Jean Brignon.
Bruyset (p. 164-165).


CHAPITRE XVII.
Qu’il faut se reposer de tout sur la Providence.
Le Maistre.

MOn fils, laissez-moi disposer de vous à mon gré : car je sçai ce qu’il y a de meilleur pour vous.

Vous pensez en homme charnel, & vos jugemens n’ont souvent pour regle & pour principe que des affections humaines.

Le Disciple.

Seigneur ce que vous me dites est vrai. Vous avez sans doute beaucoup plus de soin de moi, que je ne puis en avoir moi-même.

Celui-là est en danger de manquer de beaucoup de choses qui ne se repose pas de toutes choses sur vous.

Faites donc de moi ce qu’il vous plaira : je serai toûjours content, pourveu que ma volonté soit toûjours droite, & entierement conforme à la vôtre.

Car je suis sûr que tout ce que vous ferez, ne pourra tourner qu’à mon avantage.

Soyez toûjours également beni, ô mon Dieu, en quelque état que vous vouliez que je sois ; dans le mépris ou dans l’honneur ; dans l’obscurité, ou dans l’éclat ; dans la joye, ou dans la tristesse.

Le Maistre.

Voilà, mon fils, la disposition où il faut que vous soyez pour être bien avec moi.

Vous ne devez pas avoir moins d’inclination pour les souffrances, que pour les délices, ni moins d’amour pour la pauvreté que pour les richesses.

Le Disciple.

Seigneur quelque Croix qu’il vous plaise de m’envoyer, je la porterai avec joye.

Je veux recevoir aussi volontiers de votre main, les maux que les biens, les amertumes que les douleurs, les adversitez que les prospéritez, & vous rendre de continuelles actions de graces pour tout ce qui m’arrivera par l’ordre de vôtre divine Providence.

Préservez-moi de tout peché ; & je ne craindrai ni mort, ni enfer.

Ne me rejettez pas pour toûjours ; ne m’effacez pas du Livre de Vie : c’est toute la grace que je vous demande ; & quoi qu’il arrive après cela, je suis certain que rien ne me pourra nuire.