De l’Imitation de Jésus-Christ (Brignon)/Livre 3/16

Traduction par Jean Brignon.
Bruyset (p. 162-163).


CHAPITRE XVI.
Que la véritable consolation ne se doit chercher qu’en Dieu.
Le Disciple.

TOut ce que je puis desirer, ou imaginer pour ma satisfaction, je ne l’attends pas en cette vie, mais en l’autre.

Quand j’aurois moi seul toutes les joyes & tous les plaisirs du monde, il est certain que je n’en jouirois pas long-tems.

Ainsi je ne trouverai jamais de contentement parfait qu’en Dieu, qui est la consolation des pauvres, & le refuge des humbles.

Attendez donc encore un peu, ô mon ame, attendez que Dieu accomplisse sa promesse, & vous serez comblée de biens dans le Ciel.

Si vous desirez avec trop de passion les biens presens, vous perdrez ceux de l’Eternité.

Usez des choses temporelles comme en passant, & pour la seule necessité ; mais que le but de tous vos desirs soit le bonheur éternel.

Nul bien créé n’est capable de vous contenter pleinement, parce que nul bien créé ne peut être vôtre derniere fin.

Quand vous auriez tout ce qu’il y a de biens hors de Dieu, vous ne seriez pas pour cela heureuse, parce que vôtre beatitude est renfermée en Dieu seul qui a créé toutes choses.

Et cette beatitude n’est pas celle que le monde aveugle se figure, & dont il est si passionné ; mais celle qu’attendent les vrais serviteurs de Jesus-Christ, celles qui goûtent par avance les ames pures, qui n’ont d’affection que pour le Ciel.

Toute consolation qui vient du côté des hommes est vaine, & de peu de durée.

La solide & parfaite consolation est celle que la verité produit dans le cœur.

Une ame sainte porte en elle-même son consolateur, qui est Jesus-Christ ; Seigneur, lui dit-elle, assistez-moi en tout tems, & en tout lieu.

Que ma plus grande consolation soit de n’en vouloir recevoir aucune de la part des hommes !

Et si vous-même vous me privez de douceurs, si vous éprouvez ma patience, que je sois assez consolé de voir votre volonté accomplie en moi !

Car je sçai que vous ne serez pas toûjours en colere, & que vos menaces ne dureront pas toujours.