David Copperfield (Traduction Pichot)/Préface

Traduction par Amédée Pichot.
Bureaux de la Revue britannique (1p. 1).

PRÉFACE DE L’AUTEUR.


Il m’est difficile, au moment où je termine à peine cet ouvrage, de m’en tenir éloigné à une distance suffisante pour en parler avec ce calme qu’exige un titre si grave : Préface. L’intérêt que j’y ai pris est si récent et si vif, mon esprit est tellement partagé entre le plaisir et le regret, — le plaisir d’avoir achevé une longue tâche, le regret de me séparer de tous ces personnages avec lesquels j’ai vécu comme avec des amis, — que je craindrais de fatiguer le lecteur que j’aime de mes confidences personnelles et de mes émotions privées.

Et, d’ailleurs, tout ce que je pourrais dire utilement de cette histoire, j’ai essayé de le dire en la racontant.

Peu importerait, peut-être, au lecteur, de savoir jusqu’où va le chagrin de déposer la plume après la conclusion d’une œuvre d’imagination qui a duré deux ans, ou pourquoi il semble à un auteur que c’est une partie de lui-même qu’il renvoie dans le monde des chimères, lorsqu’il se sépare pour jamais des personnages nés de son cerveau. Je n’ai cependant pas autre chose à dire, à moins de confesser (ce qui est moins important encore) qu’aucun de ceux qui liront cet ouvrage ne saurait avoir plus de foi à ce qu’il contient que je n’en eus moi-même en l’écrivant.

Au lieu de regarder en arrière, je préfère donc regarder en avant : reconnaissant du beau soleil et des pluies fécondes qui m’ont encouragé et rendu si heureux pendant que j’écrivais les Mémoires de David Copperfield, il m’est doux de conclure ce volume en entrevoyant avec espoir le jour où je produirai encore mensuellement mes deux feuilles à couverture verte.

Charles Dickens.


Londres, octobre 1850.