Dans les limbes/Voilà bien

Œuvres complètes - Tome IIIVaniervolume III (p. 63-64).

VIII


Voilà bien le déjà quantième jour de l’an
Que tu me vois ici : le premier c’était en ***.
Ah ! mon amour est vieux déjà de plus d’un lustre ;
Et comme un qui s’accoude à même tel balustre
Et paresseusement resonge aux biens, aux maux,
Aux insignifiants événements, faits, mots,
Pensers, de cette part quelconque de sa vie,
Ainsi, moi, je souffre à nouveau colère, envie.
Trahison : je jouis après des jours, des jours
Et des jours et des jours et des bonnes amours
Et des espoirs remplis jadis, et de la vie
Enfin ! et malgré trahison, colère, envie !

Mais de tous ces memoranda le meilleur c’est
Toi, quand ta forme, aimée à l’infini, glissait
D’un pas léger malgré la majesté du buste
Vers moi tout rassuré dès lors par ta voix, juste

Au point par ma langueur loin de toi, douce voix,
Divine voix dont les gaîtés sont des pavois
Où trônent mes désirs triomphals en cette heure.

La voix s’envole, mais le souvenir demeure.


1er janvier 1893.