(pseudo non identifié)
Éditions de Minuit, 8 rue de Tracy (p. 95-100).
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X

…Enfin, Colette, il nous a vu toutes les deux toutes nues !…

— Eh ! bien, oui, chérie mignonne ! Et puis !… Il en est plus gêné que nous, sois-en bien certaine. As-tu vu comme il n’a cessé de rougir à table quand nous le regardions ? Et il n’a pas dit cinq paroles ! Heureusement que ta mère a mis son mutisme sur le compte de la fatigue du voyage…

— Crois-tu, Colette, qu’il va raconter son aventure à maman ?…

— Penses-tu, chérie ! Il s’en gardera bien !

— Mais, enfin, qu’allons-nous faire ? Et quelle va être notre attitude envers Roger de Huchetelles ?…

— Ah ! voilà !… J’ai réfléchi à cela, ma douce Jacqueline, et tu verras comme nous allons nous amuser avec ce grand sot de Roger… Car, naturellement, nous allons lui faire partager nos jeux…

— Oh !…

— Mais oui, dès demain matin, après le petit déjeuner, je lui proposerai de faire avec nous une promenade dans le parc, et tu verras…

— Oh ! Colette chérie, comme tu es vicieuse !…

— Que veux-tu, ma Jacqueline, il faut bien que l’arrivée de ce garçon mette un peu plus de charme dans notre vie de château…

— Oui, oui, ma Colette, tu es une grande vicieuse !…

Et les deux lesbiennes d’éclater de rire et de se baiser et rebaiser avant de s’endormir toutes les deux dans le même grand lit, enlacées voluptueusement…

Le lendemain matin dans la salle à manger, Colette et Jacqueline savourent leur chocolat. Elles sont déjà prêtes à sortir, charmantes dans leur robe claire. Celle de la grande cousine est assez échancrée sur la poitrine, et l’on peut voir sans peine la naissance de deux jolis seins qui bombent et tendent hardiment la fine étoffe qui les moule, en en modelant les harmonieuses courbes, depuis la base jusqu’au délicieux bouton rouge.

Il en est de même pour Jacqueline, quoique un peu moins décolletée. Mais ses seins mignons ne s’en offrent pas moins tentateurs, agréablement moulés par la fine soie du corsage.

Les deux cousines viennent de commencer leur petit déjeuner, quand Roger de Huchetelles, à son tour, entre dans la salle à manger. Il est très bien, lui aussi, dans un complet de flanelle grise, avec une culotte de sport bouffante qui descend jusqu’à la moitié du mollet.

À son arrivée, les deux cousines se lèvent et lui tendent la main, gracieusement.

Le jeune homme s’avance vers elles, mis à l’aise par la franche attitude de Colette et par l’amabilité exquise de Jacqueline.

— Eh ! bien, Roger, avez-vous bien dormi ? Êtes-vous remis de vos fatigues et de vos émotions d’hier ?…

L’allusion est directe. Colette y va assez franchement, et si bien que la jolie Jacqueline se prend à rougir en même temps que le jeune Roger !

Ce dernier balbutie quelques paroles, assez comiquement, et s’assied entre les deux jeunes filles pour prendre son petit déjeuner. Et cependant, qu’il tartine le beurre sur le pain grillé, l’impitoyable Colette, avec volubilité lui parle des charmes du domaine :

— Vous verrez, Roger, après le grand jardin, il y a un joli parc touffu qui ressemble à une forêt vierge, et c’est bien le lieu le plus délicieux de tout le domaine !

Et le jeune Roger de rougir de plus belle !

Parbleu ! il le sait bien, le brave et timide garçon, et il a bien vu hier les charmes et les délices imprévues du joli parc !…

Ils ont fini leur chocolat. Alors, Colette se levant, dit au jeune homme avec simplicité :

— Voyons, Roger, aviez-vous quelque chose de particulier à faire ce matin ?… Nous sortons dans le parc, Jacqueline et moi, et nous serions heureuses si vous consentiez à nous y accompagner…

Comment résister à une invitation faite d’aussi bonne grâce par une si jolie fille ! Roger reprend un peu d’aplomb :

— Mais oui, Mademoiselle Colette, j’en serai enchanté…