(pseudo non identifié)
Éditions de Minuit, 8 rue de Tracy (p. 85-94).
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IX

Madame de Rembleynes est dans tous ses états ! Voici que le jeune Roger de Huchetelles est arrivé un bel après-midi, avec vingt-quatre heures d’avance sur la date prévue…

— Alors, mon petit Roger, comment êtes-vous venu de la gare jusqu’ici ?…

— Oh ! Madame, j’ai trouvé une petite carriole à la gare de Bourgville, et le brave paysan a bien voulu se charger de ma personne et de mes bagages.

Madame de Rembleynes regarde le fils de son vieil ami, le marquis de Huchetelles. C’est un beau garçon de dix-sept ans, à l’air assez déluré, et dont les traits racés sont d’un grand charme. Et la bonne châtelaine pense qu’en effet, il serait plus tard, un parfait mari pour sa fille Jacqueline.

Jacqueline que l’on dit si jolie ! Le jeune Roger de Huchetelles a grande hâte de la voir… Comment, elle n’est pas ici ?…

Répondant à une muette interrogation, après qu’elle lui eut demandé des nouvelles de sa famille et s’il avait fait un bon voyage, Madame de Rembleynes donna immédiatement satisfaction à la curiosité du jeune homme.

— C’est ma fille qui va être surprise et heureuse de vous voir aujourd’hui. Elle est avec sa grande cousine, Colette de Verneuse, dont vous avez sans doute entendu parler, et qui séjourne actuellement au château. Et ces demoiselles sont dans le parc où vous pouvez les rejoindre, à moins que vous ne préfériez vous reposer ou prendre une collation, car vous devez avoir faim…

— Mais non, je vous assure, car j’ai déjeuné à Rouen… Et très volontiers, puisque vous le permettez, je vais me mettre à la recherche de Mademoiselle Jacqueline et de sa cousine.

Sa cousine ! Colette de Verneuse ! Bien sûr que Roger de Huchetelles en a entendu parler, car la vie légèrement aventureuse de la jeune femme, avait depuis longtemps défrayé bien des chroniques.

Et voici que le jeune homme était impatient de voir, maintenant, Colette de Verneuse, beaucoup plus que la douce Jacqueline !…

…Mais non ! Jacqueline, n’aie pas peur, et fais-moi tomber cette robe. À bas cette combinaison avec le pantalon même fendu ! À bas cette chemise ! et viens donc près de moi, nue complètement, comme moi-même ; et que nos corps se pressent, et que nos chairs se mêlent voluptueusement ! Allons, viens, ma bien-aimée !

Après tout, pourquoi pas ? Et pourquoi rester ainsi habillée, même d’une robe très courte et très légère, près du corps merveilleusement nu de la jolie Colette ?

Comme il sera plus agréable de s’allonger nue aussi, près d’elle.

Allons-y !… Et vivement, la douce Jacqueline fait tomber tous ses voiles et apparaît telle une merveilleuse petite Vénus antique, aux yeux extasiés de la grande cousine…

— Ah ! ma Jacqueline ! comme tu es jolie ! Et comme ta chair est douce ! Et comme tes seins sont fermes ! Tiens, vois comme ils se dressent sous ma caresse… Et tes fesses mignonnes ! Comme j’aime les palper ainsi, doucement, très doucement, avant d’y poser mes baisers. Ah ! comme ta peau est veloutée, et combien elle est douce à mes lèvres !…

Les deux jeunes filles se pressent amoureusement, échangeant baisers et caresses. Folâtrant et tournant sur elles-mêmes, elles offrent tour à tour, aux rayons du soleil qui filtrent à travers les feuilles, leurs seins merveilleusement bombés, dont les pointes rouges sont dardées comme pour aspirer une plus grande part de cette liesse champêtre, leur ventre rond et poli, dont les courbes harmonieuses se perdent dans la toison de mystère qui dissimule l’intime et précieuse fleur d’amour, — palpitante sous les frisettes brunes de Colette, frémissante sous les mignonnes touffes blondes de Jacqueline — et leur croupe, splendides globes de chair bien blanche et mate, que vient teinter çà et là, un soupçon de rose…

Et ce sont entre deux baisers sur les lèvres ou sur les seins, entre deux caresses subtiles le long du corps et sur les cuisses, jusqu’aux au-delà délicieux ou gîtent les raisons des péchés les plus mignons, des gémissements passionnés et des roucoulements amoureux à rendre jaloux toutes les colombes qui hantent le beau ciel joyeux au-dessus du grand jardin.

Mais bientôt, Jacqueline lasse, se laisse tomber de tout son long, sur le dos, parmi les herbes et la tendre mousse… C’est le moment guetté par l’ardente Colette, laquelle se glisse le long du beau corps nu de la petite cousine, l’effleure de ses lèvres, ne laissant aucune place de chair intacte de baisers entre le cou et les pieds… Et puis, remontant son joli visage le long des jambes aux galbes affolants, elle les écarte doucement, délicatement, pour se perdre, s’enfouir là où les pétales tremblantes de la juvénile fleur de chair attendent le voluptueux contact de ses lèvres amoureuses…

Soudain, Jacqueline pousse un grand cri !

— Eh ! bien, mon aimée, t’ai-je fait du mal ? interroge Colette inquiète… Car elle a deviné dans le cri de sa compagne d’ébats, plus de terreur que de volupté.

— Oh ! non, chérie… mais, regarde !…

Et Colette dressée, put voir une seconde entre les branches, le visage d’un beau garçon qui contemplait effaré, la jolie scène lesbienne.

…Une seconde seulement, car le visage disparut en un bruissement de feuilles…

— Oh ! Colette, j’ai peur !…

— Bah ! ma chérie, ne t’inquiète donc pas ! Peu importe qui nous a surpris ! C’est un beau jeune homme à ce qu’il m’a semblé. Habillons-nous, et nous allons éclaircir ce mystère…

Le soir même, avant le souper, Madame de Rembleynes présentait à sa fille et à Colette de Verneuse, le jeune Roger de Huchetelles. Et la bonne châtelaine jugea le beau garçon bien timide, car devant les jeunes filles, il était rougissant et comme honteux.

Timide ?… Certainement. Honteux ?… Peut-être. En tout cas, l’on conviendra que le spectacle qui s’offrit au jeune Roger de Huchetelles, lors de sa première promenade dans le parc de Rembleynes était pour le moins singulier.