(pseudo non identifié)
Éditions de Minuit, 8 rue de Tracy (p. 101-106).
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XI

L’enchantement ne devait pas tarder pour le jeune Roger de Huchetelles, et sa timidité devait être mise immédiatement à une rude épreuve.

Voici que Colette et Jacqueline parcourent gaiement les allées du parc, et tournant derrière le premier massif, elles s’enlacent sans façon, dans une attitude voluptueuse et provocante.

Assez surpris, Roger les regarde. Mais le jeune homme comprends bien vite qu’elles ne vont pas se gêner devant lui, bien au contraire ! Dans le fonds de lui-même, il s’en félicite, car, il a déjà une secrète admiration pour la belle Colette et la mignonne Jacqueline.

Un étrange sentiment vient de naître en lui, fait à la fois d’élan amoureux vers la petite blonde, et de quelque chose d’indéfinissable qui le pousse à regarder Colette de Verneuse avec un air alangui et tout rêveur.

L’experte Parisienne ne s’y trompe pas, et elle a rapidement analysé l’état d’âme du jeune homme.

— Toi, mon petit bonhomme, pense-t-elle, tu as été mis sur mon chemin pour ma secrète joie, et mes vacances vont être plus amusantes que j’ai pu l’espérer !…

Quelle aubaine pour cette jeune femme de vingt-quatre ans, que ce jeune puceau placé sur sa route ! Et comme elle va s’ingénier à cultiver en lui cette fiévreuse passion qu’elle sent déjà bouillonner avec force.

Soudain, la belle Colette manque de tomber. Elle se retient à la taille de Jacqueline qui pousse un petit cri.

— Ce n’est rien, le lacet de mon soulier vient de se défaire…

Mais rapidement, Colette de Verneuse pense que c’est là un petit incident providentiel, car il va lui permettre de mettre sans plus tarder son projet à exécution.

— Roger ! dit-elle d’un petit ton sec, voulez-vous rattacher le lien de ma chaussure ?…

Et ce disant, elle avance sa jolie jambe et retrousse bien inutilement sa robe.

Rapidement, et comme s’il se fut agi d’une chose toute ordinaire, le jeune homme s’agenouille et se met en devoir de rattacher le lacet du petit soulier. Et pour ce faire, il se baisse jusqu’au pied de la jolie Colette.

Mais quand il se redresse, tout en restant agenouillé, un trouble soudain l’envahit. Il a son visage presque contre le mollet aux courbes voluptueuses de la jeune femme, et un parfum inaccoutumé le pénètre.

Quelles sont alors les pensées de la libertine Colette ? Elle fait retomber sa robe sur la tête du jeune homme, et faisant un pas, elle approche sa jambe de ses lèvres…

Le timide Roger était, on peut le dire, dans une position délicate. Son instinct amoureux lui dicta ce qu’il fallait faire, et il baisa la jolie jambe, passionnément, en montant du mollet jusqu’à la cuisse, là où la fine soie du bas s’arrête et où la chair est nue.

Peut-être allait-il prolonger son baiser, mais Colette, simulant l’indignation, s’écria :

— Eh ! bien, Roger, en voilà des manières ! Voulez-vous vous relever bien vite !…

Ce que le jeune homme fit en trébuchant, et en proie à la plus vive émotion. Il regarda Colette avec un air extasié, un air dans lequel on pouvait lire la passion la plus folle !

La jeune femme constata cela, joyeusement, avec un petit sourire vainqueur, cependant que Jacqueline, comprenant soudain où sa cousine voulait en venir, devint rouge comme une pivoine.

Ce petit événement fut le seul marquant la promenade matinale, et quand les jeunes gens rentrèrent au château, il n’en paraissait plus rien, toute émotion semblait être éteinte.

Mais en vérité, le jeune Roger de Huchetelles était tout brûlant, et il faisait mille plans et mille projets pour baiser à nouveau la merveilleuse jambe de la jolie Colette…