Cruelle Énigme. Profils perdus
Plon-Nourrit et Cie, imprimeurs-éditeurs (p. 28-42).


II

HUBERT LIAURAN


En dépit de cette curiosité, cependant, le général ne fit pas un geste plus rapide. L’habitude de la minutie militaire était trop forte chez lui pour qu’aucune émotion en triomphât. Il remit lui-même sa canne dans le porte-cannes, ôta ses gants fourrés l’un après l’autre et les posa sur la table de l’antichambre à côté de son chapeau, soigneusement placé sur le côté. Son domestique lui enleva son pardessus avec la même lenteur. Alors seulement il entra dans la pièce où ce domestique venait de lui dire que le jeune homme l’attendait depuis une demi-heure. C’était une salle d’un aspect sévère et qui indiquait la simplicité d’une existence réduite à ses besoins les plus stricts. Des rayons en bois de chêne, surchargés de livres, dont la seule apparence révélait des publications officielles, couraient sur deux des côtés. Des cartes et quelques trophées d’armes décoraient le reste. Un bureau, placé au milieu de la pièce, étalait des papiers classés par groupes, notes du grand ouvrage que le comte préparait indéfiniment sur la réforme de l’armée, en collaboration avec son ancien collègue et ami le général de Jardes. Deux manches de lustrine pliées avec méthode étaient posées entre les équerres et les règles. Un buste de Bugeaud ornait la cheminée, garnie d’une grille où un feu de coke achevait de brûler. Cette pièce était carrelée, et le tapis sur lequel portaient les pieds de la table ne les dépassait pas beaucoup. Sur cette table posait une lampe de cuivre poli, allumée en ce moment, dont l’abat-jour en carton vert éclairait mieux le visage du jeune Liauran, qui regardait le feu, assis de côté sur le fauteuil de paille et son menton appuyé sur sa main. Il était à ce point absorbé dans sa rêverie, qu’il paraissait n’avoir entendu ni le roulement de la voiture ni l’entrée du général dans la pièce. Jamais non plus ce dernier n’avait été frappé, comme à cette minute, par l’étonnante ressemblance qu’offrait la physionomie de cet enfant avec celle des deux femmes qui l’avaient élevé. Si Mme Liauran paraissait déjà plus frêle que sa mère, moins capable de suffire aux amertumes de la vie, cette fragilité s’exagérait encore chez Hubert. Son frac de drap mince — il était en tenue de soirée, avec un bouquet blanc à la boutonnière — dessinait ses grêles épaules. Les doigts qu’il allongeait contre sa tempe avaient la finesse de ceux d’une femme. La pâleur de son teint, que l’extrême régularité de sa vie teintait d’ordinaire de rosé, trahissait, en cette heure de tristesse, la profondeur du retentissement que chaque émotion éveillait dans cet organisme trop délicat. Un cercle de nacre se creusait autour de ses beaux yeux noirs ; mais, en même temps, un je ne sais quoi de hautain dans la ligne du front, coupé noblement ; la minceur énergique du nez, à peine busqué ; le pli de la lèvre, où s’effilait une moustache sombre ; l’arrêt du menton, frappé d’une mâle fossette ; d’autres signes encore, tels que la barre épaisse des sourcils froncés, trahissaient l’hérédité d’une race d’action chez l’enfant trop câliné des deux femmes solitaires. Si le général avait été aussi bon connaisseur en peinture qu’il était expert en armes, il eût certainement songé, devant ce visage, à ces portraits de jeunes princes peints par Van Dyck, où la finesse presque morbide d’une race vieillie se mélange à la persistante fierté d’un sang héroïque. Ce n’étaient pas des souvenirs de cet ordre qui le firent s’arrêter quelques secondes à cette contemplation avant de marcher vers la table. Hubert redressa cette tête charmante, que ses boucles brunes, en ce moment dérangées, achevaient de rendre presque pareille aux portraits exécutés par le peintre de Charles Ier. Il vit son parrain et se leva pour le saluer. Il était bien pris dans ; une taille petite, et rien qu’à la grâce avec laquelle il tendait la main on devinait la longue surveillance des yeux maternels. Nos façons ne restent-elles pas l’œuvre indestructible des regards qui nous ont suivis et jugés durant notre enfance ?

— « Tu as donc à me parler d’affaires bien graves ? » dit le général, allant droit au fait. « Je m’en doutais, » ajouta-t-il ; « j’ai laissé ta mère et ta grand’mère plus tristes que je ne les avais vues depuis la guerre d’Italie. Pourquoi n’étais-tu pas auprès d’elles ce soir ?… Si tu ne rends pas ces deux femmes heureuses, Hubert, tu es cruellement ingrat, car elles donneraient leur vie pour ton bonheur… Enfin, que se passe-t-il ?… »

Le général avait prononcé cette phrase en continuant à voix haute les pensées qui l’avaient tourmenté durant le trajet de la rue Vaneau à son logis. Il put voir, à mesure qu’il parlait, les traits du jeune homme s’altérer d’émotion. C’était une fatalité héréditaire du tempérament de cet enfant trop aimé, qu’un son de voix dure lui donnât toujours un petit spasme douloureux au cœur. Mais, sans doute, la dureté de l’accent du comte Scilly s’augmentait d’une autre dureté, celle de la signification de ses paroles. Elles mettaient à nu, brutalement, une plaie vive. Hubert s’assit comme brisé ; puis il répondit d’une voix qui, un peu voilée par nature, s’assourdissait encore à cette minute, sans essayer même de nier qu’il fût la cause du chagrin des deux femmes :

— « Ne m’interrogez pas, mon parrain ; je vous donne ma parole d’honneur que je ne suis pas coupable. Seulement, je ne peux pas vous expliquer le malentendu qui fait que je leur suis un objet de peine. Je ne le peux pas… Je suis sorti plus souvent que d’habitude, et c’est là mon seul crime… »

— « Tu ne me dis pas ; toute la vérité, »répliqua Scilly, adouci, bien qu’il en eût, par l’évidente douleur du jeune homme. « Ta mère et ta grand-mère te veulent par trop dans leurs jupons. Cela, je l’ai toujours pensé. On t’aurait élevé plus rudement si j’avais été ton père. Les femmes ne s’entendent pas à former un homme… Mais, depuis deux ans, est-ce qu’elles ne te poussent pas à fréquenter le monde ? Ce ne sont donc pas tes sorties qui leur font de la peine, c’est leur motif… » En prononçant cette phrase, qu’il considérait comme très habile, le comte regardait son filleul à travers la fumée d’une petite pipe de bois de bruyère qu’il venait d’allumer, — machinale habitude qui expliquait suffisamment l’acre atmosphère dont la chambre était saturée. Il vit les joues d’Hubert se colorer d’un soudain afflux de sang qui eût été, pour un observateur plus perspicace, un indéniable aveu. Il n’y a qu’une allusion, ou la crainte d’une allusion, sur une femme aimée qui ait le pouvoir de tant troubler un jeune homme aussi évidemment pur. Celui-ci appréhenda sans doute de s’être trahi, car il fut plus embarrassé encore pour répondre :

— « Je vous affirme, mon parrain, qu’il n’y a dans ma conduite rien dont je doive avoir honte. C’est la première fois que ni ma mère ni ma grand’-mère ne me comprennent.. Mais je ne leur céderai pas sur le point où nous sommes en lutte. Elles y sont injustes, affreusement injustes… » continua-t-il en se levant et faisant quelques pas. Cette fois, son visage exprimait non plus la souffrance, mais l’orgueil indomptable que l’atavisme militaire avait mis dans son sang. Il ne laissa pas au général le temps de relever des paroles qui, dans sa bouche de fils ordinairement très soumis, décelaient une extraordinaire intensité de passion. Il contracta son sourcil, secoua la tête comme pour chasser une obsédante idée, et, redevenu maître de lui :

— « Je ne suis pas venu ici pour me plaindre à vous, mon parrain, » dit-il ; « vous me recevriez mal, et vous n’auriez pas tort… J’ai à vous demander un service, un grand service. Mais je voudrais que tout restât entre nous de ce que je vais vous confier. »

— « Je ne prends pas de ces engagements-là, » fit le comte. « On n’a pas toujours le droit de se taire, » ajouta-t-il. « Ce que je peux te promettre, c’est de garder ton secret si mon affection pour qui tu sais ne me fait pas un devoir de parler. Va, maintenant, et décide toi-même… »

— « Soit, » repartit le jeune homme après un silence durant lequel il avait, sans doute, jugé la situation où il se trouvait ; « vous agirez comme vous voudrez… Ce que j’ai à vous dire tient dans une courte phrase. Mon parrain, pouvez-vous me prêter trois mille francs ? »

Cette question était tellement inattendue pour le comte qu’elle changea, du coup, la suite de ses idées. Depuis le début de l’entretien, il cherchait à deviner le secret du jeune homme, qui était aussi le secret de ses deux amies, et il avait nécessairement pensé qu’il s’agissait de quelque aventure de femme. À vrai dire, cela n’était point pour le choquer. Bien que très dévot, Scilly était demeuré trop essentiellement soldat pour n’avoir pas sur l’amour des théories d’une entière indulgence. La vie militaire conduit ceux qui la mènent à une simplification de pensée qui leur fait admettre tous les faits, quels qu’ils soient, dans leur vérité. Une « gueuse », aux yeux de Scilly, c’était, pour ainsi dire, la maladie nécessaire. Il suffisait que cette maladie ne se prolongeât point et que le jeune homme n’y laissât pas trop de lui-même. Il conçut soudain un doute, pour lui plus affreux, car il considérait les cartes, sur son expérience du régiment, comme beaucoup plus dangereuses que les femmes.

— « Tu as joué ? » fit-il brusquement.

— « Non, mon parrain, » répondit le jeune homme en hésitant. « J’ai tout simplement dépensé ces mois-ci plus que ma pension ; j’ai des dettes à régler, et, » ajouta-t-il, « je pars après-demain pour l’Angleterre. »

— « Et ta mère sait ce voyage ? »

— « Sans doute ; je vais passer quinze jours à Londres chez mon ami de l’ambassade, Emmanuel Deroy, que vous connaissez. »

— « Si ta mère te laisse partir, » reprit le vieillard, qui continuait de poursuivre son enquête avec logique, « c’est que ta conduite à Paris l’a fait cruellement souffrir. Réponds-moi avec franchise. Tu as une maîtresse ? »

— « Non, » répondit vivement Hubert avec un nouveau passage de pourpre sur ses joues ; « je n’ai pas de maîtresse. »

— « Si ce n’est ni la dame de pique ni celle de cœur, » fit le général, qui ne douta pas une minute de la véracité de son filleul, — il le savait incapable d’un mensonge, — « me feras-tu l’honneur de me dire où s’en sont allés les cinq cents francs par mois que ta mère te donne, une paye de colonel, et pour ton argent de poche ?… »

— « Ah ! mon parrain, » reprit le jeune homme, visiblement soulagé, vous ne connaissez pas les exigences de la vie du monde. Tenez ! Hier, j’ai rendu à dîner au Café Anglais à trois amis ; c’est tout près de huit louis. J’ai dû offrir plusieurs bouquets, pris des voitures pour aller à la campagne, envoyé quelques souvenirs. On est si vite au bout de ces cinq billets de banque !… Bref, je vous le répète, j’ai des dettes que je veux payer, j’ai à suffire aux frais de mon voyage, et je ne veux pas m’adresser à ma mère en ce moment, ni à ma grand’mère. Elles ne savent pas ce que c’est que l’existence d’un jeune homme à Paris. À un premier malentendu, je ne veux pas en ajouter un second. Étant donnés nos rapports d’aujourd’hui, elles verraient des fautes où il n’y a eu que des nécessités inévitables. Et puis, une scène avec ma mère, je ne peux pas la supporter physiquement. »

— « Et si je refuse ?… » interrogea Scilly.

— « Je m’adresserai ailleurs, » fit Hubert ; « cela me sera terriblement pénible, mais je le ferai. »

Il y eut un silence entre les deux hommes. Toute l’histoire s’obscurcissait encore au regard du général, comme la fumée qu’il envoyait de sa pipe par bouffées méthodiques. Mais ce qu’il voyait nettement, c’était le caractère définitif de la résolution d’Hubert, quelle qu’en fût la cause secrète. Lui répondre non, autant l’envoyer à un usurier peut-être, ou du moins le contraindre à quelque démarche mortifiante pour son amour-propre. Avancer cette somme à son filleul, c’était s’acquérir, au contraire, un droit à suivre de plus près le mystère qui se cachait au fond de son exaltation, comme derrière la mélancolie des deux femmes. Et puis, pour tout dire, le comte aimait Hubert d’une affection bien voisine de la faiblesse. S’il avait été remué profondément par le désespoir morne de Mme Liauran et de Mme Castel, il était maintenant bouleversé par la douloureuse angoisse écrite sur le visage de cet enfant, qu’il traitait dans sa pensée en fils adoptif aussi cher que l’eût été un fils véritable.

— « Mon ami, » dit-il en prenant la main d’Hubert et avec un son de voix où rien ne transparaissait plus de la dureté du commencement de leur conversation, « je t’estime trop pour croire que tu m’associerais à quelque action qui déplût à ta mère. Je ferai ce que tu désires, mais à une condition… » et comme les yeux d’Hubert trahissaient une inquiétude nouvelle : « Rassure-toi, c’est tout simplement que tu me fixes la date où tu comptes me rembourser cet argent. Je veux bien t’obliger, » continua le vieux soldat ; « mais cela ne serait digne ni de toi, si tu m’empruntais une somme que tu crusses ne pas pouvoir rendre, ni de moi, si je me prêtais à un calcul de cet ordre… Veux-tu revenir demain dans l’après-midi ? Tu m’apporteras le tableau de ce que tu peux distraire chaque mois de ta pension… Ah ! il ne faudra plus offrir de bouquets, de dîners au Café Anglais ni de souvenirs… Mais n’as-tu pas vécu si longtemps sans cette sotte dépense ?… » Ce petit discours, où l’esprit d’ordre essentiel au général, sa bonté de cœur et son sentiment de la régularité de la vie se mélangeaient en égale proportion, toucha Hubert si profondément qu’il serra les doigts de son parrain sans répondre, comme brisé par des émotions qu’il n’avait pas dites. Il se doutait bien, tandis que cette entrevue avait lieu au quai d’Orléans, que la veillée se prolongeait à l’hôtel de la rue Vaneau et que deux êtres profondément aimés y commentaient son absence. Comme si un fil mystérieux l’eût uni à ces deux femmes assises au coin de leur feu solitaire, il souffrait des douleurs qu’il causait… En effet, dans le petit salon paisible, une fois le général parti, les « deux Saintes » étaient demeurées longtemps silencieuses. Du fracas de la vie parisienne, il n’arrivait à elles qu’un vaste et confus bourdonnement, analogue à celui d’une mer entendu de très loin. C’était le symbole de ce qu’avait été si longtemps la destinée de Mme Castel et de sa fille, que l’intimité de cette pièce close, avec cette rumeur de la vie au dehors. Marie-Alice Liauran, couchée sur sa chaise longue, si mince dans ses vêtements noirs, semblait écouter cette rumeur, — ou ses pensées, — car elle avait abandonné l’ouvrage auquel elle travaillait, tandis que sa mère continuait de manier le crochet d’écaillé de son tricot, assise dans sa bergère, toute en noir aussi ; et, quelquefois, elle levait les yeux, avec un regard où se lisait une double inquiétude. Les sensations que sa fille ressentait, elle les éprouvait, elle, et pour Hubert, et pour cette fille dont elle connaissait la délicatesse presque morbide. Ce ne fut pas elle, cependant, qui rompit la première le silence. Ce fut Mme Liauran, qui, tout d’un coup et comme prolongeant sa rêverie, se prit à gémir :

— « Ce qui rend ma peine plus intolérable encore, c’est qu’il voit la blessure qu’il m’a faite au cœur, et que cela ne l’arrête pas, lui qui, toujours, depuis son enfance jusqu’à ces derniers six mois, ne pouvait pas rencontrer une ombre dans mes yeux, un pli sur mon front, sans que son visage s’altérât. Voilà ce qui me démontre la profondeur de sa passion pour cette femme… Quelle passion et quelle femme !… »

— « Ne t’exalte pas, » dit Mme Castel en se levant et s’agenouillant devant la chaise longue de sa fille. » Tu as la fièvre, » fit-elle en lui prenant la main. Puis, d’une voix abaissée et comme descendant au fond de sa conscience : « Hélas ! mon enfant, tu es jalouse de ton fils comme j’ai été jalouse de toi. J’ai mis tant de jours, je peux bien te le dire maintenant, à aimer ton mari… »

— « Ah ! ma mère, » reprit Mme Liauran, « ce n’est pas la même douleur. Je ne me dégradais pas en donnant une partie de mon cœur à l’homme que vous m’aviez permis de choisir, tandis que vous savez ce que notre cousin George nous a dit de cette Mme de Sauve, et de son éducation par cette mère indigne, et de sa réputation depuis qu’elle est mariée, et de ce mari qui tolère que sa femme tienne un salon de conversations plus que libres, et de ce père, cet ancien préfet, qui, devenu veuf, a élevé sa fille pêle-mêle avec ses maîtresses. Je l’avoue, maman, si c’est un égoïsme de l’amour maternel, j’ai eu cet égoïsme : j’ai souffert d’avance à l’idée qu’Hubert se marierait, qu’il continuerait sa vie en dehors de la mienne. Mais je me donnais si tort de sentir ainsi, — au lieu que, maintenant, on me l’a pris pour le flétrir !… »

Pendant quelques minutes encore, elle prolongea cette violente lamentation, dans laquelle se révélait l’espèce de frénésie passionnée qui avait fait se concentrer autour de son fils toutes les énergies de son cœur. Ce n’était pas seulement la mère qui souffrait en elle, c’était la catholique fervente, pour qui les fautes humaines étaient des crimes abominables ; c’était la veuve isolée et triste, à qui la rivalité avec une femme, élégante, riche et jeune, infligeait une secrète humiliation ; enfin, tout son cœur saignait à toutes ses places. Le spectacle de cette souffrance poignait si cruellement Mme Castel, et ses yeux exprimèrent une si douloureuse pitié, que Marie-Alice Liauran s’interrompit pourtant de sa plainte. Elle se releva sur sa chaise longue, mit un baiser sur ces pauvres yeux, — si pareils aux siens, — et elle dit : « Pardonnez-moi, maman, mais à qui dirais-je mon mal, si ce n’est à vous ? Et puis, ne le verriez-vous point ?… Hubert ne rentre pas, » fit-elle en regardant la pendule, dont le balancier continuait d’aller et de venir paisiblement, « Est-ce que vous croyez que je n’aurais pas dû m’opposer à ce voyage en Angleterre ? »

— « Non, mon enfant. S’il va rendre visite à son ami, pourquoi user ton pouvoir en vain ? Et s’il partait pour quelque autre motif, il ne t’obéirait pas. Songe qu’il a vingt-deux ans et qu’il est un homme. »

— « Je deviens folle, ma mère. Il y a longtemps que ce voyage était arrêté. J’ai vu les lettres d’Emmanuel. Mais quand je souffre, je ne peux plus raisonner. Je ne vois que mon chagrin, qui me bouche toute ma pensée… Ah ! comme je suis malheureuse !… »