Gangloff (p. 96-99).

Le Récit de la Grand’Mére.

« Il était une fois…

— Oh ! oui ! grand’mère, contez-nous une histoire.

— Et quelle histoire, mes enfants, voulez-vous que je vous conte ?

— Le Petit Poucet, grand’mère, ou le Petit Chaperon rouge. C’est si beau !

— Hélas ! mes chers petits, je ne sais pas un seul Conte de fées, et je vous dirai même (mais tout bas, tout bas) que je n’ai jamais pris goût à toutes ces menteries.

— Oh ! grand’mère !

— Non, mes enfants, et j’estime que ces Contes ne sont pas faits pour vous. Toi, Pierre, tu seras laboureur comme ton Bad brave homme de père ; toi, Jeanne, tu mènes les vaches aux champs et les mèneras toute ta vie, comme ta brave femme de mère, qui est ma fille et que je chéris tendrement.

— Mais alors, grand’mère ?

— Alors, j’aime mieux vous raconter des histoires vraies. Asseyez-vous près de moi et écoutez bien. Je vais vous raconter (pour Pierre surtout) l’histoire de saint Isidore le laboureur, qui vit un jour les Anges l’aider dans son labour et conduire sa charrue ; je vais vous raconter (pour Jeanne, celle-là) l’histoire de cette petite bergère qui s’appelait Germaine Cousin et dont les loups respectaient le troupeau.

— Et c’est amusant, grand’mère ?

— Vous allez voir. Je commence. »

… Laissons la grand’mère commencer son récit, qui va bientôt charmer le cher petit auditoire, et tirons, pour notre profit ; quelque enseignement des paroles si simples de cette vraie chrétienne.

Pourquoi nous obstiner, dans l’éducation de nos fils et de nos filles, à nourrir ces belles petites âmes de chimères ? Alors que nous avons sous la main toute l’Histoire de l’Église et toute l’Histoire de la France, pourquoi leur faire uniquement subir le Chat botté et Barbe-Bleue ?

Est-ce que nos Anges ne valent pas les fées ? Est-ce que nos Saints ne sont pas plus vivants et plus beaux que tous les magiciens et tous les enchanteurs ? Est-ce que nos héros chrétiens, est-ce que nos martyrs, est-ce que notre saint Louis et notre Jeanne d’Arc ne nous donnent pas de plus hautes, de plus pratiques, de meilleures leçons ?

Vous avez raison, grand’mère, de narrer à ces petits saint Isidore et sainte Germaine. Nous vous promettons de faire comme vous.

Et, veuillez le remarquer, grand’mère : c’est un grand-père qui vous en fait le serment.