Gangloff (p. 94-95).

Le Passeur.

On attend le passeur : « Hohé ! passeur, hohé ! »

C’est chose étonnante comme tous les les passeurs se ressemblent. Ils savent, madrés, qu’on ne saurait leur faire concurrence, et ne se pressent que lentement.

Pourtant c’est un joli métier, quoiqu’un peu monotone et fatigant dans les mauvais jours. Mais les passagers sont si curieux à observer.

Tantôt, comme aujourd’hui, ce sont de belles vaches qui flairent l’eau de leurs gros mufles noirs et ne perdent rien de leur quiétude philosophique.

Tantôt, comme hier ; c’est une noce de village avec de joyeux ménétriers qui éveillent l’écho de toutes les collines, et l’on entend les mariés qui se disent l’un à l’autre « Si tu tombais à l’eau, je te sauverais… ou mourrais avec toi. »

Tantôt enfin, ce sont des pauvres qui n’ont pas un liard vaillant, et que le batelier conduit gratis d’un bord à l’autre du grand lac « Priez pour moi, braves gens, et je ne serai que trop bien payé. »

On attend le passeur « Hohé ! passeur, hohé ! »