Gangloff (p. 58-61).

Deux Orphelines.

Quel est votre sentiment, ami lecteur, sur cette grande question, tant de fois soulevée, de l’égalité de l’homme et de la femme ?

Si vous n’avez pas là-dessus d’avis bien net, vous me permettrez peut-être de vous offrir le mien.

Donc, malgré les déclarations des fanatiques qui rabaissent l’homme et des romanesques qui exaltent la femme, je conclus… à l’égalité par compensation.

Il est certain que l’homme l’emporte souvent par les hautes facultés de l’intelligence, par la raison et par le raisonnement, par le sens de la justice et par la claire vue de la vérité.

Mais il n’est pas moins évident que la femme est mille fois supérieure à l’homme par l’esprit de sacrifice, par le dévouement, par la charité, par le cœur.

Somme toute, c’est l’égalité.

Et c’est pourquoi l’Église, dans son dogme et dans sa morale comme dans ses sacrements et dans ses rites, n’a jamais établi aucune différence entre l’âme de l’homme et celle de la femme.

C’est pourquoi le Christ éternel reçoit là-haut, sans distinction, les âmes de nos mères et de nos pères, de nos sœurs et de nos frères, de nos filles et de nos fils. Égales, elles sont égales.

Ces deux orphelines que je vous invite aujourd’hui à regarder, ces deux humbles fillettes, penchées modestement sur une tâche vulgaire, ces deux augustes travailleuses sont une preuve vivante de cette doctrine en faveur de l’égalité.

Pauvres enfants ! En une seule semaine, elles ont tout récemment perdu leur père, qui était un brave ouvrier, et leur mère, qui travaillait jusqu’à minuit.

Eh bien ! elles travaillent, elles aussi, et jusqu’à minuit aussi. Rien ne les lasse. De temps en temps elles se jettent un bon regard d’encouragement et d’amour. Puis, à l’aiguille, à l’aiguille. Toujours ! encore !

J’avais un vieux professeur de droit qui nous démontrait qu’au moyen âge la condition de la femme avait été singulièrement relevée par l’Église d’abord ; mais, ensuite, par le travail de la femme elle-même, par sa participation intelligente aux travaux, aux affaires, au commerce de son mari.

Nos deux orphelines n’ont pas entendu les leçons de mon professeur ; mais elles les mettent en action.

Vous verrez que Dieu les bénira, et qu’avant longtemps, l’une et l’autre, dans un petit logis joyeux, seront entourées d’un bon mari content et de charmants petits êtres qui leur tendront les bras, en criant « Maman, maman ! »