Croquis du vice/Chère mignonne

P. Fort (p. Ill.-124).



CHÈRE MIGNONNE

À Marie Garnier.

Bien las est votre corset, chère mignonne. Dénouez ces rubans lilas et laissez échapper vos seins dans mes mains infatigables. Je les ferai si douces que jamais caresses n’auront tant fait éclore de boutons pareils à ceux que je vois dans les dentelles, au-dessus du satin de votre corset, et j’irai glaner les lis frissonnants dans la neige qui tombe de votre gorge, en des baisers si maladroits que rougiront toutes les roses écloses dans l’haleine de votre chair. Dénouez ces rubans lilas.

Et maintenant, chère mignonne, puisque plus rien ne retient cette chemise qui voile à peine ce que vous ne voudriez point cacher, laissez-la et venez. Venez puisque l’amour est à la femme ce que la rosée est aux fleurs, et que déjà, je vois un peu pâlies par une trop longue attente, vos lèvres.

Daignez que, dans l’affolante et mélodieuse musique de vos soupirs, j’aie la suprême agonie des amoureux spasmes…

Mais, vous tremblez ! Auriez-vous peur ? Pourtant aucun nuage ne vient ternir la sérénité bleue de vos yeux faits d’un coin du ciel.

Vous venez de parler, je crois : Vos lèvres, semblables aux délicats pétales que fait frémir un souffle, se sont ent’rouvertes…

Vous disiez ?

— Qu’il me faut dix louis pour payer ma modiste.