Libairie d’éducation et des sciences et des arts (Tome dixièmep. 443-444).


VUE. (Médecine rurale). La vue est une obligeante bienfaitrice, qui nous donne les sensations les plus agréables que nous recevons des productions de la terre. Sa lésion peut arriver de plusieurs manières. « Mais, quelque nombreux que soient les symptômes de cette lésion, on les distingue fort bien, en faisant le dénombrement des causes qui affectent les différentes parties de l’organe de la vue. Car, premièrement, les parties qui enferment et retiennent le globe de l’œil, sont pressées, enfoncées, poussées en dehors, rongées par des tumeurs inflammatoires, par des apostèmes, des squirres, des cancers, des exostoses, par la carie des os qui forment l’orbite ; et de là, la figure de l’œil, la nature et la circulation des humeurs, l’axe de la vue, la collection des rayons dans le lieu convenable, se dépravent.

» La vue est encore dépravée, empêchée et détruite, par les différentes maladies de la cornée et de l’albuginée, tels que l’obscurcissement, le défaut de blancheur, l’épaississement, l’œdème, les phlictènes, l’inflammation, les taies, les cicatrices, la nature cartilagineuse de ses tuniques ; et tous ces maux viennent ordinairement de plusieurs causes, comme de violens maux de tête, des excès des plaisirs de l’amour, un trop long usage des substances amères, des vapeurs des substances âcres et volatiles, des différentes maladies, comme la petite vérole, la rougeole, des veilles immodérées, d’une étude trop profonde à la lumière des bougies et des chandelles ; d’un regard trop fixe sur des objets lumineux ou éclatans, ou en tenant la tête trop long-tems penchée. Ce ne sont point encore là les seules causes. On sait que les longs jeûnes portent le plus grand préjudice à la vue, ainsi que la trop grande chaleur, et le froid excessif : la suppression des évacuations périodiques, habituelles, comme les flux menstruel et hémorroïdal, et la sueur des pieds ; le régime échauffant, l’usage des liqueurs fortes et fermentescibles, sont encore très nuisibles à la vue.

» Le régime rafraîchissant convient lorsque c’est l’inflammation qui est la cause de la lésion de la vue. Les malades s’abstiendront de toute espèce de mets salés, épicés, et de haut goût : ils renonceront au café et à toutes sortes de liqueurs fortes ; ils éviteront la fumée du tabac et des cheminées des appartemens où ils peuvent se trouver ; ils ne s’exposeront ni aux fortes odeurs de l’oignon ou de l’ail, ni aux lumières vives, ni aux couleurs éclatantes.

» Les boissons nitrées, la limonade, l’eau de gruau, le petit lait, la petite bierre, et les alimens de bonne et facile digestion, composeront tout son régime.

» On peut quelquefois prévenir les maladies de la vue, en engageant les malades à se faire ouvrir un fonticule sur l’un des bras, ou un séton à la nuque. Je sais combien on est rebuté par-tout de l’application des vésicatoires : j’ose avancer, sans craindre d’être démenti, qu’ils procurent les effets les plus salutaires : que c’est presque toujours trop tard qu’on se résout à se les faire appliquer. Tous les autres moyens, qu’on regarde mal-à-propos comme moins cruels, sont quelquefois plus désagréables, et on n’en obtient point le même bien. Enfin les personnes qui auront un éloignement insurmontable pour les cautères, pourront retirer quel qu’avantage d’un petit emplâtre de poix de Bourgogne, appliqué entre les deux épaules. Voyez Goutte sereine, Orgeolet, Opthalmie, Œil, etc. M. AMI.