Hôtel Serpente (Tome septièmep. 137-144).


ŒIL. Médecine Rurale. Organe de la vue. Personne n’ignore que les yeux sont au nombre de deux, & situés au bas du front ; un à chaque côté de la racine du nez, dans la partie la plus élevée de la face, afin que la vue puisse s’étendre plus loin. Ils sont couverts en devant par les paupières au dessus desquelles se voient les sourcils qui sont formés de plusieurs poils couchés obliquement.

Dans les parties propres de l’œil, c’est-à-dire, dans celles qui composent le globe, on remarque plusieurs tuniques, telles que l’albuginée & la conjonctive qui se trouvent seulement à la partie antérieure, la cornée, la sclérotique, la choroïde, l’uvée, & la rétine qui est la plus délicate de toutes, parce qu’elle est formée par l’expansion du nerf optique, laquelle se répand sur le fond de l’œil, & c’est pour elle que les autres sont faites. On y remarque encore l’humeur aqueuse, l’humeur vitrée & la cristalline : ces trois humeurs servent à la réfraction des rayons lumineux.

L’humeur aqueuse, est une liqueur très-limpide, & comme une espèce de sérosité très-peu visqueuse. Elle n’a point de capsule particulière, comme la vitrée & le cristallin. Elle occupe & remplit l’espace qui est entre la cornée transparente & l’uvée, ainsi que celui qui est entre l’uvée, le cristallin & le trou de la prunelle. À raison de la situation de ces deux espaces, on leur a donné le nom de chambre antérieure & de chambre postérieure. Il y a encore des muscles, des nerfs, des artères & des veines qui composent le globe de l’œil. Nous n’en donnerons point la description anatomique ; nous nous contenterons d’observer que l’œil n’est pas seulement l’organe du sens si précieux qu’on appelle la vue, mais qu’il est lui-même le sens de l’esprit & la langue de l’intelligence. Nos pensées, nos réflexions, nos agitations secrettes se peignent dans les yeux. Il est du moins certain que l’œil appartient à l’une, plus qu’aucun autre organe ; il en exprime les passions les plus vives & les émotions les plus tumultueuses, comme les mouvemens les plus doux & les sentimens les plus délicats ; il les rend dans toute leur force & dans toute leur pureté. Tels qu’ils viennent de naître, il les transmet par des traits rapides qui portent dans une autre ame le feu, l’action, l’image de celle dont ils partent. L’œil reçoit & réfléchit en même temps la lumière de la pensée & la chaleur du sentiment. De plus, ajoute l’immortel Buffon, la vivacité ou la langueur du mouvement des yeux fait un des principaux caractères de la physionomie, & leur couleur contribue à rendre ce caractère plus marqué. Enfin nous finirons en disant que l’œil est un organe très-délicat, & conséquemment exposé à une infinité de maladies qui exigent les plus grands soins, tant de la part des personnes de l’art de guérir, que de celles qui en sont attaquées. L’œdème, la bouffissure, l’emphysème, l’ulcère, la goutte sereine, la cécité, l’ophtalmie sont les affections les plus communes, & celles qui affectent le plus souvent les yeux. (Voyez ces mots) M. AMI.


Œil. Médecine Vétérinaire. Ce seroit s’écarter de notre but que de traiter ici au long de la composition & du mécanisme de l’œil du cheval. Il nous suffit, pour mener le lecteur à la connoissance solide de ses vices ou de ses beautés intérieures, d’entrer dans le détail des parties qui forment le globe. On ne doit attendre & espérer aucun secours certain de l’expérience informe & dénuée de toute théorie adoptée dans les campagnes.

Dans la recherche des tuniques du globe, il faut considérer, 1°. la sclérotique ou la cornée ; elle s’offre la première, elle se montre comme un corps sphérique imparfait, extrêmement compact, dur, opaque, diminuant insensiblement d’épaisseur, mince, diaphane dans sa portion antérieure, où par cette même raison cette tunique est nommée cornée lucide ; c’est ce que les maréchaux & les maquignons appellent encore aujourd’hui la vitre : cette membrane percée vers le milieu de la portion postérieure de sa convexité où elle reçoit le nerf optique, peut être divisée en plusieurs couches ou lames qui, quoiqu’infiniment unies, sont néanmoins très-distinctes à l’endroit de sa diaphanéité, lieu où sa convexité saillit au-delà de la cornée opaque, en sorte que la cornée lucide paroît véritablement comme le segment d’une petite sphère, ajouté au segment d’une sphère plus grande. Cette tunique, quelle que soit sa consistance, est obliquement traversée par de petits vaisseaux sanguins, & par des filamens nerveux, & est, dans sa portion transparente, criblée d’un grand nombre de pores par où suinte continuellement une liqueur très-fine & très-subtile, qui s’évapore à mesure qu’elle en sort. On y a vu aussi des vaisseaux séreux qui, par leur oblitération, donnent quelquefois lieu à de petits filets ou à des raies blanchâtres, barrent & coupent cette portion dans certains chevaux.

2°. La choroïde ou la seconde tunique du globe, infiniment plus déliée que la sclérotique, dont elle tapisse la surface concave, a deux lames, l’externe sensiblement plus forte que l’interne, enduite d’une matière noirâtre, dont la source est peut-être la même que celle de la liqueur noire ou brune, qui se trouve dans l’intérieur de la plupart des glandes. Cette couleur noire peut d’ailleurs modifier, éteindre & absorber les rayons lumineux, à peu près comme le fluide cérumineux qui enduit l’oreille, peut de même modifier, éteindre & absorber les rayons sonores, & arrêter la vivacité de leurs impressions ; la nature ayant dû placer dans les organes des sens des agens qui les défendent, & qui en assurent l’énergie & l’intégrité. Quoi qu’il en soit, la lame externe qui est du côté de l’humeur vitrée, à la capsule de laquelle elle est visiblement unie dans le cheval, est d’une couleur azurée, mêlée dans de certains endroits d’un rouge vif ; cette même tunique ainsi composée de deux lames, se porte jusqu’à l’endroit où commence la cornée lucide, & où se termine la cornée opaque, à laquelle sa lame externe adhère dans tout ce trajet par un tissu cellulaire, & quelques vaisseaux tant sanguins que nerveux : là elle s’attache exactement à toute la circonférence de la première membrane, & cette attache, ce ceintre blanchâtre & bien différent par la couleur dont il est formé, est ce que quelques anatomistes ont appelé ligament, & que les zoologistes ont nommé orbicule ciliaire. Ce ligament est de la largeur d’une ligne, au delà de laquelle la lame interne ou postérieure de la choroïde prend particulièrement le nom d’uvée, & la lame externe ou intérieure, celle d’iris, attendu la variété & la diversité des couleurs qu’elle présente. Ces couleurs naturellement plus foncées dans le cheval, & le plus souvent approchant de celle de son poil, sont distribuées différemment que dans l’homme : dans celui-ci, les rayons que forme l’iris, s’étendent de la circonférence au centre, tandis que dans le cheval elle est comme marbrée, parce que ses rayons sont circulaires, & transversaux. Nous voyons au surplus des chevaux dans lesquels cette partie est presque toute blanche, & n’est colorée que dans l’espace de deux ou trois lignes, autour de la prunelle, & c’est ce que vulgairement on appelle yeux vérons.

De l’orbicule ciliaire partent encore plusieurs petits filets noirâtres, qui semblent naître uniquement de la lame interne de la choroïde ; ces petits filets ont été appelés procès ciliaires. Ils avancent jusque sur le bord du cristallin, par-dessus sa capsule où ils se terminent, & laissent, lorsqu’on les a enlevés, des vestiges & des traces noires sur la surface antérieure du corps vitré.

Dans le cheval il est, outre ces procès ciliaires, d’autres prolongemens de cette même uvée, qui se montrent tantôt dans le haut & dans le bas de la prunelle, quelquefois dans le haut seulement, & toujours dans la chambre antérieure, comme des espèces de fungus très-distincts & très-visibles, lorsque la cornée lucide n’est point obscurcie, & lorsque l’humeur aqueuse a sa limpidité naturelle. Ces fungus désignés par M. de Soleysel & ses copistes, sous le nom de grains de suie, ne consistent qu’en quelques petites vésicules remplies de l’humeur qui colore cette tunique. Quelques personnes, & particulièrement M. Neuffer, dans une thèse soutenue à Tubingen le 19 mars 1745, sur la Mydriase, ont regardé ces fungus, comme des excroissances capables d’empêcher la dilatation de la prunelle, & M. Lower, comme une maladie très-fréquente dans les chevaux, ce dernier ignoroit sans doute ce point de la conformation de cet organe dans l’animal, & les vues que la nature a peut-être eues dans cette singularité, au moyen de laquelle il paroît que l’œil du cheval, lorsqu’il est exposé au grand jour, reçoit moins de rayons lumineux, & ressent une impression moins vive de ces mêmes rayons.

En ce qui concerne la prunelle, ou la pupille, elle n’est autre chose que l’ouverture transversalement elliptique dans le cheval, comme dans tous les animaux herbivores, percée dans le milieu de la cloison qui résulte de la portion flottante de la choroïde, c’est-à dire, de l’uvée & de l’iris. Le grand diamètre de cette ouverture, & sa position, facilitent à ces animaux, obligés, par leur structure naturelle, de porter la tête en bas pour chercher leur nourriture, les moyens d’apercevoir les objets placés de côté & d’autre, & d’éviter dès-lors ce qui pourroit leur nuire & les incommoder.

3o. La rétine ou la troisième tunique du globe. Elle est d’une substance molle, baveuse, blanchâtre, s’étend depuis l’insertion du nerf optique, se termine par un cercle à l’orbicule ciliaire, & lui est, dans tout ce trajet, également adhérente : elle paroît être une continuation de ce nerf ; aussi l’envisage-t-on comme l’organe immédiat de la vue.

Dans l’examen des humeurs du globe, il faut considérer, 1°. l’humeur vitrée, ainsi nommée, à cause de sa ressemblance au verre en fusion. Elle occupe & remplit la plus grande partie de la capacité du globe, puisqu’elle s’étend depuis la rétine jusqu’au commencement de la chambre postérieure. Cette liqueur gélatineuse est très-transparente, très-flexible, plus dense que l’humeur aqueuse, moins dense que le cristallin, partout convexe, & a, dans la partie antérieure, une cavité ou une fossette qu’on appelle le chaton, dans laquelle est logée l’humeur cristalline.

2°. Le cristallin ou l’espèce de lentille solide, situé dans le chaton de l’humeur vitrée dont nous venons de parler, vis-à-vis la prunelle, à quelque distance de l’iris, est semblable au cristal par sa transparence. Il est composé d’un nombre infini de couches membraneuses parallèles, qui sont formées d’une multitude de vaisseaux que parcourt une liqueur diaphanes des plus déliées. Il est renfermé dans une capsule particulière, très-transparente, membraneuse, formée par la duplicature de la tunique vitrée : la lame externe revêt la face antérieure, tandis que la lame interne qui garnit le chaton dans lequel il est fixé, recouvre la face postérieure : la première de ces lames a paru au célèbre M. Winslow, composée dans l’œil du cheval, de deux pellicules unies par un tissu spongieux, très-fin & très-serré : cette humeur est albumineuse de sa nature, elle se durcit au feu, tandis que l’humeur vitrée qui est de nature gélatineuse, s’y réduit en une eau un peu salée, à l’exception d’une petite partie élastique qui paraît être le tissu folliculeux qui la contient.

3°. L’humeur aqueuse, ou la sérosité très-limpide & très-fluide, qui n’a point de capsule particulière, & qui occupe les deux chambres de l’œil, procure non-seulement des réfractions, mais empêche qu’il ne s’éteigne, que la cornée lucide ne se ride, qu’elle de s’affaisse, & que de sphérique qu’elle est, elle ne devienne plane, ainsi que nous l’observons, dans les chevaux morts ou mourans, lorsque cessant d’être poussée par l’action du cœur dans l’extrémité, ou dans les porosités des artérioles qui la déchargent, elle ne chasse & ne soutient plus en dessous cette tunique, & ne la détermine plus en avant. Hoovius a pensé qu’elle est produite par une espèce de transsudation aux travers des humeurs vitrée & cristalline, & que cette portion la plus limpide & la plus fine du suc nourricier de ces corps transparens, s’échappe au travers des pores de la cornée, pour faire place à l’humeur qui se produit de nouveau. Quoiqu’il en soit, elle maintient l’uvée suspendue, de manière que cette tunique ne peut tomber ni sur la cornée, ni sur le cristallin ; elle lubréfie, elle humecte, elle entretient la transparence des parties délicates qu’elle baigne & qu’elle arrose : il est certain qu’elle est repompée dans la masse, & reprise par de petites veines absorbantes ; elle suinte aussi par les porosités de la cornée lucide. S’il en étoit autrement, elle s’accumuleroit de façon à causer l’hydropisie du globe, & dès qu’elle croupiroit, elle seroit bientôt viciée, colorée, épaissie. La preuve de sa régénération ou de son renouvellement est évidente dans l’opération de la cataracte, par extraction ou par abattement. (Voyez Cataracte)

On doit bien comprendre que ce n’est qu’après s’être muni de toutes ces connoissances, qu’on peut décider sûrement de l’intégrité de l’œil du cheval, de la réalité, comme des raisons de sa dépravation & des causes des dérangemens multipliés, dont cet organe est susceptible. Rien n’est plus aisé que d’apercevoir le défaut des yeux, quand on en connoît bien la structure ; autrement, rien n’est plus difficile. Nous voyons journellement des personnes qui passent pour habiles connoisseurs, se tromper souvent, & prendre pour maladie du cristallin, ce qui en est une de la cornée, l’affection de la cornée pour celle des humeurs, & confondre, en général, les différentes maladies qui attaquent cet organe.

Mais pour n’être pas induit à erreur, voici les vrais moyens d’examiner les yeux d’un cheval : placez-le à l’abri du grand jour, pour diminuer, jusqu’à un certain point, la quantité des rayons lumineux, & faites-le ranger de manière à vous opposer à la chute de ceux qui, tombant trop perpendiculairement, causeroient une contusion qui ne vous permettroit plus de distinguer clairement les parties : faites attention encore à ce qu’aucun objet, capable de changer la couleur naturelle de l’œil, en s’y joignant, ne soit voisin de l’abri que vous avez choisi ; placez-vous ensuite, vous-même, de manière à chercher les différens points d’où vous pourrez distinguer, plus clairement, toutes les parties de l’organe dont vous vous proposez de juger ; & considérez-en 1 °. la grandeur ; elle est une beauté dans le cheval comme dans l’homme : de petits yeux sont nommés, yeux de cochon.

2°. La position. Ils doivent être à fleur de tête : des yeux enfoncés, donnent à l’animal un air triste & souvent vicieux ; de gros yeux, des yeux hors de la tête, le font paroître hagard & stupide.

3°. L’égalité. Un œil grand, & l’autre petit, doivent inspirer de la défiance ; il est vrai que cette disproportion peut être un vice de conformation, & alors les yeux quoiqu’inégaux, n’en sont pas moins bons. On distingue le vice de conformation, de celui qui est contre nature, en ce que dans le dernier cas les parties qui défendent le globe, ou celles qui l’entourent, ou celles qui le composent, ne se montrent jamais dans un état sain.

4°. Les paupières. Leur agglutination, la rétraction, l’abaissement involontaire de la supérieure, le relâchement ou le renversement de l’inférieure, les rumeurs qui surviennent quelquefois à l’une & à l’autre, le doublement des cils qu’on remarque au bord de la supérieure, un hérissement de ces mêmes cils, produit par différentes causes qui en déterminent & en dirigent la pointe contre la cornée, &c., sont autant de circonstances maladives. On doit surtout faire attention à la paupière inférieure, fendue dans quelques chevaux, à l’endroit du point lacrymal : cette fente est occasionnée par l’âcreté des larmes qui découlent dans le cas de la fluxion périodique, qui a fait appeler, très-improprement, l’animal qui en est atteint, cheval lunatique. (Voyez ce mot)

5°. La netteté ou diaphanéité, sans laquelle on ne peut discerner clairement ni l’iris, ni la prunelle, ni le fungus, & porter ses regards au-delà. Elle dépend de celle de la cornée lucide, & de celle de l’humeur aqueuse, renfermées dans les chambres antérieure & postérieure ; une tache, une taie ou un véritable albugo (voyez ce mot), qui s’étend plus ou moins sur la première de ces parties, en occasionnent, suivant leur épaisseur, le plus ou moins d’opacité, & si le point d’obscurcissement est borné, mais se trouve placé vis-à-vis de la prunelle, il intercepte l’entrée des rayons lumineux, & l’animal ne peut recevoir l’impression des objets. Il en est de même dans la circonstance de l’épaississement de l’humeur aqueuse, dans celle d’une collection de matière purulente, derrière la cornée lucide, à la suite de quelques coups ; enfin, dans l’obscurcissement plus ou moins considérable de cette même humeur, à raison d’une cause quelconque, suivant le degré de ce même obscurcissement, les objets sont entièrement dérobés, ou ne frappent l’œil vicié que d’une manière très indistincte. Il est à remarquer aussi, que dans les poulains, dans ceux qui jettent la gourme (voyez ce mot), ou qui sont prêts à jeter, dans ceux qui mettent les dents, & sur-tout les coins & les crochets, comme dans les chevaux qui sont atteints de quelques maladies graves, la cornée & même l’humeur aqueuse sont plus ou moins chargées de nuages ; elles s’éclaircissent peu à peu, & par degrés insensibles, à mesure que l’auge se vide, ou se dégage, que le sang se dépure, que la dentition s’achève, & que les maux cèdent à l’efficacité des remèdes. Du reste, pour bien juger de l’étendue de l’opacité ou du trouble de la cornée, il faut nécessairement que l’observateur en parcoure tous les points, en se plaçant de manière à les suivre, & en variant sa position, pour diversifier les jours ; il faut encore, lorsqu’il est question de s’assurer si l’opacité ou l’obscurcissement ne réside que dans l’humeur aqueuse, la cornée étant parfaitement intacte, qu’il se place de côté, & qu’il laisse la cornée lucide entre le jour & lui ; si les rayons lumineux pénètrent cette membrane également dans toute la surface, le défaut sera incontestablement dans l’humeur.

6°. La cornée opaque dont la portion apparente occupe, dans certains chevaux, plus d’espace que dans d’autres. Cette circonstance a fait appeler les yeux dans lesquels cette tunique propagée diminue l’étendre de la cornée lucide, des yeux cerclés : on a même pensé qu’ils étoient totalement défectueux ; mais cette idée est destituée de tout fondement, car, comment cette anticipation pourroit-elle intéresser l’organe ? La conjonctive tapisse la surface interne ou postérieure de la paupière, & se replie pour s’étendre sur la cornée opaque ; la rougeur qui caractérise ce qu’on nomme ophtalmie, (voyez ce mot) est véritablement l’inflammation de cette membrane lâche, mobile & transparente, & non celle de la cornée.

7°. Le cristallin situé plus près de la cornée lucide, que de la rétine, & dans un lieu où son centre passe par l’axe de la vision, & le forme. Ce corps étant transparent, & n’ayant aucune couleur par lui-même, ne peut pas être distinctement apperçu : on n’entrevoit aussi, dans un œil sain, au-delà de la prunelle, qu’une couleur noire, qui n’est autre chose que la réflexion naturelle de l’uvée au travers des humeurs du globe. Dans de vieux chevaux, il devient terne, comme dans l’âge de la caducité des hommes ; dans d’autres, on le trouve quelquefois opaque, & cette opacité règne dans tout le contour ovale de la prunelle, alors ce corps lenticulaire est plus terne, il présente une couleur blanche, verdâtre & comme transparente ; & l’œil est dit, cul de verre. Cette opacité gagnant peu à peu toute l’étendue du cristallin, il en résulte ce que nous appelons, dragon ou cataracte (Voyez ce mot) Assez communément cette maladie commence aussi par quelques points blancs, très-petits, & en quelque sorte imperceptibles, principalement aux yeux de ceux qui n’ont aucune idée de la conformation de cet organe ; mais, dans tous les cas, le dragon une fois formé & parvenu à sa maturité, abolit totalement le sens, en s’opposant au passage des rayons de la lumière. Le cristallin n’est point, en effet, l’organe essentiel & principal de la vision ; sa présence est nécessaire seulement à la perfection de la vue ; car la faculté de voir n’est point anéantie par son absence ; aussi, dès que ce corps opaque a été détrôné, abattu, ou pour mieux dire, extirpé, ce qui est une opération bien plus sûre, l’animal discerne, à la vérité, plus confusément les objets, mais il recouvre la puissance qu’il avoit perdue,

8°. Les mouvemens de l’iris. Il y a entre l’uvée & l’iris, deux plans de fibres charnues ; les fibres de l’un d’eux environnent la prunelle, & resserrent par leur contraction cette ouverture, tandis que sa dilatation est opérée par les fibres du second plan : le premier de ces mouvemens a lieu dans l’œil exposé au grand jour ; le second, dans l’œil exposé à une lumière plus foible, ou réduit à l’obscurité ; or, il est des chevaux dont les yeux paroissent parfaitement beaux & sains, & qui sont néanmoins privés de la faculté de voir ; & il n’est d’autres moyens de juger en eux de l’abolition de la vue, que celui de s’attacher à l’examen de ces mêmes mouvemens. Pour cet effet, abaissez la paupière supérieure, tenez-la dans cet état pendant un instant ; laissez ensuite ouvrir l’œil ; remarquez si la prunelle se resserre, & à quel point est portée cette action ; dès qu’elle est totalement dénuée de mouvement, le sens est irrévocablement aboli.

On peut encore procéder à cet examen d’une manière plus sûre. Le cheval placé à la porte d’une écurie, lorsqu’il est prêt à sortir, ou dessous une remise, afin qu’il n’y ait point de jour derrière lui, faites-le reculer insensiblement dans un lieu plus obscur, la prunelle doit se dilater alors visiblement, ramenez-le en avant, & pas à pas ; à mesure qu’il revient au grand jour, la prunelle doit se resserrer. Cette méthode est d’autant plus certaine, qu’en s’y conformant exactement, tous les mouvemens de la pupille sont extrêmement sensibles, & qu’on peut observer, en même temps, les divers états dans les deux yeux, conclure du plus ou moins de constriction, du plus ou moins de sensibilité de l’un & de l’autre, & décider parfaitement de la force, de la foiblesse, de l’égalité & de l’absence de la faculté de la vue dans l’animal.

Maladies des yeux.

Outre les maladies que nous venons de rapporter dans cet article, les yeux sont encore sujets à beaucoup d’autres maladies qui exigent la plus grande attention de la part de l’artiste vétérinaire. Nous les divisons en deux parties ; la première comprenant les affections des parties qui environnent cet organe, tandis que la seconde a pour objet celle du globe, c’est-à-dire, les maladies des tuniques & des humeurs.

Les premières sont l’emphysème des paupières, l’œdème, les verrues, les poireaux, le larmoiement & la paralysie.

Les secondes comprennent l’onglée, la lésion de la cornée, la rupture & la goutte sereine, (Voyez ces mots)

Les médecins, ainsi que les vétérinaires tirent souvent des pronostics de l’état des yeux, dans les maladies : c’est un mauvais signe, par exemple, que les yeux soient rouges, enflammés & larmoyans. &c. M. T.