Cours d’agriculture (Rozier)/GOURME

Hôtel Serpente (Tome cinquièmep. 322-323).
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GOURME, Médecine Vétérinaire. Quelques auteurs ont comparé la gourme des chevaux à la petite vérole des hommes. Si elles ont l’une & l’autre quelqu’analogie, c’est comme l’observe très-bien M. Bourgelat, par la régularité avec laquelle la première affecte la plupart des chevaux, & la seconde, la plupart des hommes ; on peut encore ajouter, c’est aussi parce qu’elles arrivent communément dans le premier âge, & enfin, parce que leur terminaison est également l’ouvrage de la nature.

Les causes de la gourme sont aussi inconnues que celles de la petite vérole. Si nous l’envisageons, a l’exemple de plusieurs médecins célèbres, comme une fièvre inflammatoire, ou comme une espèce de levain qui se mêle avec le sang au moment de la conception de l’animal, ou comme un virus existant dans la masse ; c’est parler vaguement & convenir des ténèbres dans lesquelles on est plongé à cet égard.

On lit dans Aristote, que les chevaux qui vivent en troupe dans les bois sont exempts de la gourme. M. de Garsault l’attribue à la qualité de la terre & à la température de l’air ; il prétend que dans les pays froids les herbes sont trop humides & trop nourrissantes pour le poulain, & qu’une pareille nourriture, prise dans un terrain humide & gras, & sur lequel le jeune animal, souvent exposé aux injures du temps & à des pluies extrêmement froides, trouve des verglas & de la rosée, peut donner origine à cette maladie. M. de Soleysel avance que dans les pays chauds les chevaux ne sont pas sujets à la gourme.

Il résulte des recherches les plus exactes faites par les gens de l’art, que dans les pays montagneux, le fourrage n’est pas trop nourrissant ; que la terre n’y est ni trop humide ni trop grasse ; que des poulains nourris au sec & tenus dans des écuries à l’abri des verglas & des temps froids & rigoureux, & que ceux qui habitent le midi & le nord de l’Europe, ne jettent pas moins leur gourme ; ce qui prouve d’un côté les allégations de M. de Soleysel, & de l’autre, tout ce que M. de Garsault a imaginé sur les causes productives de la maladie dont il s’agit. Nous avouerons qu’il est infiniment plus avantageux aux progrès de la médecine vétérinaire de confesser notre ignorance sur certains points, que de faire parade de systèmes, & que de vouloir expliquer des mystères qui nous sont voilés. Arrêtons-nous donc seulement à la description des signes & du traitement de la maladie qui fait ici notre objet.

Les chevaux, depuis l’âge de deux ans jusqu’à l’âge de quatre & quelquefois de cinq sont sujets à la gourme, elle se fait jour de trois manières : 1°. par un écoulement d’une humeur visqueuse, gluante & blanchâtre qui flue par les naseaux ; 2°. par l’engorgement des glandes lymphatiques de dessous la ganache, & quelquefois des glandes parotides appelées par les maréchaux avives, (voyez ce mot) qui tombent en suppuration ; 3°. par des dépôts qui se fixent sur différentes parties du corps de l’animal.

La gourme qui se manifeste seulement par un simple écoulement d’humeurs par les naseaux, sans être accompagnée de fièvre, de dégoût, de battemens de flancs, de toux pénible &c., est facile à guérir. La maladie étant contagieuse, il faut séparer l’animal qui en est atteint de ceux qui ne le sont pas, le mettre à l’eau blanche ordinaire (voyez Boisson) & à la paille pour toute nourriture, le couvrir, lui envelopper la ganache d’une peau d’agneau, la laine en dedans, après avoir frotté le dessous de cette partie à l’endroit des glandes lymphatiques avec un peu d’onguent d’althéa. Si au milieu de la glande engorgée on sent une pelotte dure & que la douleur soit vive, il faut favoriser la formation du pus, en appliquant le cataplasme suivant :

Prenez quatre oignons blancs, faites cuire sous la cendre, pilez avec quatre poignées de feuilles d’oseille ; faites cuire le tout dans du sain-doux jusqu’à un épaississement convenable pour un cataplasme ; renouvelez-le deux fois par jour & jusqu’à ce que la suppuration soit établie.

Mais quant à la gourme qui se montre avec fièvre, dégoût, tristesse, battement de flancs, difficulté de respirer, toux pénible, elle est plus rebelle & difficile à guérir. J’ai hasardé quelquefois la saignée, lorsque la respiration étoit laborieuse & pénible, & j’en ai retiré le plus grand succès. Cette opération, bien loin d’empêcher, selon le préjugé ordinaire des maréchaux de quelques provinces, l’évacuation de l’humeur par les naseaux, l’a rendue au contraire très-libre & plus abondante. J’ai observé sur-tout que c’est le remède le plus prompt & le plus efficace pour abattre l’inflammation qui, dans la gourme de cette espèce, attaque aussi souvent des parties essentielles à la vie, telles que le poumon. Il faut encore faire respirer à l’animal la vapeur des décoctions des plantes émollientes, lui appliquer sur les glandes de la ganache des cataplasmes faits avec le lait & la mie de pain, & le faire boire tiède. Si l’écoulement se fait bien par les naseaux, on doit y injecter sur la fin, au moyen d’une petite seringue, deux fois par jour, la décoction ci-après :

Prenez orge entière, une poignée ; feuilles d’aigremoine ou de ronces, une poignée ; faites bouillir dans environ deux livres d’eau commune, & dissolvez dans la colature deux drachmes sel ammoniac.

On empêche par ce moyen les parties âcres de la matière qui flue par les naseaux de s’attacher à la membrane pituitaire, d’y former des ulcères & de produire la morve, comme il arrive quelquefois dans la gourme qui dure plus de vingt jours. J’ai observé, après M. la Fosse, que lorsque l’écoulement par les naseaux n’est pas assez abondant, un reste de la matière se fixoit sur le poumon. Le moyen le plus prompt en pareil cas, est de passer un cautère au-devant du poitrail ; il m’a réussi à merveilles dans deux chevaux de carrosse. M. T.