Cours d’agriculture (Rozier)/RÂLES

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RÂLES. Ces oiseaux ont beaucoup de rapport avec la Poule d’eau. (Voy. ce mot.) Cependant la plupart des ornithologistes modernes les séparent, et en font un genre distinct, auquel ils assignent pour caractères : le bec grêle, un peu comprimé, et légèrement courbé ; les ouvertures des narines petites ; la langue rude à son bout ; le corps comprimé, la queue très-courte, quatre doigts sans membrane, trois devant, et un derrière.

De même que les poules d’eau, les râles ont une portion de la jambe dégarnie de plumes, les ailes petites et fort concaves ; leur vol est court, et, en volant, ils laissent pendre leurs pieds.

Il y a, dans nos pays, trois espèces principales de râles : le râle de terre ou de genêt, que l’on appelle encore roi des cailles, le râle d’eau et la marouette. Le premier (rallus erex Lin.) dont le plumage est varié de gris et de noirâtre sur les parties supérieures, et blanc mêlé de roux sur les inférieures, a les ailes couleur de rouille. Sa ponte est de huit à dix œufs, tachetés de rougeâtre, et son nid ne consiste que dans un assemblage informe de mousse et d’herbes, placé dans un enfoncement du gazon. La seconde espèce, (rallus aquaticus) dont la dénomination indique l’habitude de fréquenter les bords des eaux, et de préférence les eaux stagnantes, a le manteau d’un roux brun, le dessous du corps d’un beau gris ardoisé, et des raies blanchâtres sur le fond noirâtre du ventre ; son nid se trouve dans les touffes de grandes plantes aquatiques, et ses œufs jaunâtres ont des taches brunes. La petitesse de la taille distingue la marouette ; (rallus porzana Lin.) elle n’est pas plus grosse l’alouette. Son plumage est, en général, d’un brun roussâtre, parsemé de taches noires et blanches ; une teinte blanche se fait remarquer sur le devant et le côtés de la tête, à la gorge, et sous le col. Cet oiseau est, comme le râle d’eau, un habitant des marécages ; il y niche dans les roseaux ; son nid flotte sur l’eau ; il a la forme d’une petite gondole, et il contient sept ou huit œufs d’un brun clair, avec des taches d’un brun plus foncé.

Le râle gras est un excellent gibier. Il a beaucoup de fumet ; ce qui fait que plusieurs chiens ne le chassent pas volontiers. Il a aussi l’inconvénient de se corrompre facilement, ce qui empêche d’en faire des envois. On le mange, comme la bécasse, sans le vider. Les espèces les plus estimées et les plus recherchées sont le râle de genêt, et la marouette ; on attache peu de prix au râle d’eau.

Les râles de genêt fréquentent les lieux plantés de cet arbuste, d’où leur vient leur nom. Ils aiment aussi les prés non fauchés, les avoines, les orges, les sarrasins. On en voit quelquefois dans les vignes, et au bord des jeunes taillis, Leur nourriture se compose de diverses graines, telles que celles de genêt, de trèfle, etc. ; ils sont aussi friands de vers, de limaçons, et d’autres insectes. Ils paroissent à peu près avec la caille, fréquentent souvent les mêmes lieux ; d’où on les a appelés rois des cailles. Ces oiseaux volent mal ; mais, en revanche, ils courent avec une vitesse que rien n’arrête. Les herbes les plus épaisses servent à leurs ruses ; ils glissent sous leurs enlacemens, se rasent, ou se perchent, selon qu’ils sont poursuivis, et rusent long-temps avant d’être arrêtés. Tous les chiens ne sont pas propres à cette chasse ; les meilleurs sont les choupilles, qui vont le nez en terre. Les vieux chiens sont aussi préférables aux jeunes, parce que, s’emportant moins, ils sont moins aisément dupes des détours ou des arrêts brusques que fait le râle pour donner le change. Lorsqu’on chasse au fusil, et que le râle est prêt à partir, il est aisé à tirer, parce qu’il vole pesamment, à moins qu’il ne soit très-maigre. Mais, si on le manque, rien ne sert, qu’au bout d’un vol court on le voie se remettre ; car, dès qu’il a touché terre, il se met à courir, et s’éloigne avec rapidité. Quelquefois il tient si obstinément, qu’il se fait prendre à la main, plutôt que de s’enlever. Le râle de terre a sa passée du soir au matin, comme les bécasses. Il va la nuit véroter dans les champs, et revient le matin à son cantonnement. Lorsqu’il est trop gras, il ne quitte presque plus ce cantonnement, sur-tout dans les pays abondans en genêts ; de là il est aisé d’avoir des râles pour un jour déterminé : en allant battre le pays d’avance, et les remettant dans une pièce de genêts, on est sûr de les y trouver pour le jour de la chasse. On tend les halliers, pour les râles, comme pour les cailles. On imite leur cri, qui est, crex, crex, en raclant un os dentelé avec la lame d’un couteau. Cette espèce d’appeau sert à les attirer dans le filet. Ils se prennent aussi aux lacets, ou collets piqués, tendus par leurs passées. (Voyez Collet, Bécasse et Perdrix.)

Le râle d’eau, inférieur en grosseur et en qualité au râle de genêt, et la marouette, plus petite que tous les deux, mais aussi estimée que celui-ci, se chassent de la même manière, ayant les mêmes habitudes, employant les mêmes ruses, excepté seulement qu’ils fréquentent les eaux, les queues d’étang, les prairies basses et humides. On les chasse, avec avantage, au moyen du hallier ou tramail, dont on forme une grande enceinte à la queue des étangs, aux lisières des prairies, etc. On bat alors les environs ; ou rassemble les râles avec un bon chien, et on le pousse aux filets, où plusieurs laissent la liberté et la vie.

Les râles d’eau sont sédentaires ; mais ceux de terre sont passagers ; ils disparoissent à l’époque des premières gelées blanches. Ils passent jusqu’en Afrique, et volent toujours avec un vent favorable. Malgré cette émigration de l’espèce en général, on voit plusieurs individus, pendant l’hiver qu’ils passent, cachés dans des touffes d’herbes et au fond des fossés. Il paroît encore certain qu’ils arrivent plus tard que la caille. Enfin, on a remarqué que les jeunes prennent moins de graisse que les vieux. (S.)