Cours d’agriculture (Rozier)/MYRTE COMMUN

Hôtel Serpente (Tome septièmep. 59-62).


MYRTE COMMUN. Tournefort le place dans la huitième section de la vingt-unième classe des arbres à fleur en rose, dont le calice devient un fruit à pépin, & il l’appelle myrtus communis italica. Von-Linné le nomme myrtus communis, & le classe dans l’icosandrie monogynie.

Fleur, composée de cinq pétales blancs, disposés en rose, ovales, entiers, insérés, ainsi qu’un grand nombre d’étamines, dans un calice d’une seule pièce, mais divisé en cinq parties aiguës, & qui comprend le germe dans sa base ;

Fruit ; baie ovale, couronnée d’un ombilic formé par les bords du calice ; la baie est à trois loges, & renferme des semences en forme de rein.

Feuilles presqu’adhérentes aux tiges, simples, très-entières, ovales marquées d’un sillon dans leur longueur, luisantes, unies, odorantes.

Racine, ligneuse, très-fibreuse.

Port ; arbrisseau dans les pays peu chauds ; déjà arbre forestier en Corse, mais du troisième ordre, & au moins du second en Asie, en Afrique, &c. Les fleurs naissent des aisselles des feuilles, seules à seules, soutenues par de petits pédoncules : les feuilles opposées, quelquefois trois à trois ; elles paroissent percées de petits trous comme celles du mille-pertuis. (Voyez ce mot)

Lieu ; originaire de l’Europe australe, de l’Asie, de l’Afrique ; cultivé dans les jardins, en le renfermant pendant l’hiver dans des serres.

Propriétés médicinales ; feuilles d’une odeur aromatique, d’une saveur légèrement austère ; baies sans odeur & d’une saveur austère ; fleur d’une odeur aromatique & douce. Les fleurs, les baies, les feuilles constipent, diminuent quelquefois la diarrhée par foiblesse d’estomac & des intestins. En gargarisme elles fortifient les gencives des scorbutiques. Les fleurs sont plus astringentes que les baies, & les baies plus que les fleurs. On en fait des décoctions, un extrait connu sous le nom de myrtille, qu’on donne jusqu’à la dose de deux gros, suivant le besoin : des fleurs & des feuilles on retire, par la distillation, une eau astringente, &, dit-on, cosmétique.

Propriétés économiques. Les fleurs, les feuilles, l’écorce, en un mot toutes les parties de l’arbre sont, à tous égards, préférables à l’écorce de chêne dans la tannerie des cuirs. On sent très-bien que cet emploi ne peut avoir lieu que dans les pays où cet arbre est commun & où il acquiert une certaine consistance…

Les baies fournissent aux merles une nourriture si appétissante, qu’ils deviennent gras à lard, & à cette époque, leur goût est si délicat que les gourmets les préfèrent à tout le gibier connu.

Propriétés d’agrément & culture. Cet arbuste, si agréable dans nos jardins, ne l’est guère dans les pays où il croît en grand arbre. Il est chargé d’une multitude de petits rameaux, de petites branches qui perdent leurs feuilles, parce qu’elles sont étouffées par le feuillage des rameaux supérieurs ; ceux-ci le sont à leur tour, de manière que l’arbre vu par dessous ressemble assez à un nid de pie. La seule partie extérieure est verte. Les tonnelles faites avec cet arbre ont ce défaut ; on croit être environné d’une palissade de bois mort, à moins que le ciseau du jardinier ne laisse presque pas étendre les rameaux, & ne les tienne sans cesse rapprochés du tronc par la taille, en ne leur laissant que deux à trois pouces d’épaisseur au plus. Comme les feuilles sont très-nombreuses, très-rapprochées du tronc, elles tapissent promptement & si serré, que l’épaisseur de deux à trois pouces suffit pour mettre à l’abri du soleil le plus ardent.

Il n’en est pas ainsi des palissades ; elles sont toujours agréables à la vue, parce qu’on n’en voit que l’extérieur. Elles ont besoin de tuteurs, ainsi que les tonnelles pendant les premières années ; mais dès qu’une fois les tiges sont un peu fortes, les tuteurs deviennent inutiles. Les rameaux extérieurs poussent très-vite, lorsque le climat & le sol conviennent à l’arbre ; dès-lors ils occupent beaucoup d’espace, la haie, la palissade, la tonnelle s’épaississent, gagnent sur le devant, & le tout très-inutilement. Le jardinier doit donc, chaque année, les resserrer & ne pas se contenter de couper au-dessous des pousses de la saison, si le besoin l’exige. La partie inférieure du rameau qui jouit alors des bienfaits de l’air, & sur-tout de la lumière, se charge de branches nouvelles, & le vide est bientôt remplacé. Une attention scrupuleuse que doit avoir le jardinier, est de ne jamais laisser pousser des tiges ou branches, près du collet de la racine, ou qui s’élancent de la terre. Si on ne s’oppose à leurs progrès par la destruction totale, ces nouveaux jets dévieront le cours de la sève, ne tarderont pas à s’en emparer, & nuiront beaucoup au reste de l’arbre ; mais si le collet des racines est ombragé comme dans les tonnelles, dans les palissades épaisses, on n’a pas à craindre ces jets parasites ; s’il en paroît, ils sont bientôt étouffés.

On ne doit songer dans aucun pays à multiplier le myrte par semences, à moins qu’on ne puisse pas s’en procurer quelques pieds ; cet arbre reprend si facilement par marcottes & par boutures, que c’est perdre un temps précieux que de recourir aux semis. La marcotte n’a rien de particulier ; (voyez ce mot) pour la bouture, on choisit les jeunes pousses de l’année précédente, on les effeuille jusqu’à la moitié, ensuite tordant la partie inférieure sans détacher l’écorce, on applique un doigt vers le milieu de la partie qui doit être enterrée, & on l’enfonce ainsi, dans la terre préparée à la recevoir. Le nombre des boutures sera proportionné à la grandeur du pot ; aussitôt après ce pot est mis à l’ombre & arrosé au besoin. Plusieurs auteurs conseillent d’étendre des paillassons pendant le jour pour les garantir du hâle ; cette précaution est plus nuisible qu’utile, il suffit que la bouture soit placée dans un lieu découvert au grand air, & où le soleil ne donne point.

On attend communément que l’arbre soit en séve, pour commencer l’opération des boutures ; c’est le plus sûr, cependant j’en ai fait dans le courant de l’hiver & elles ont réussi. La bouture reste en terre jusqu’à la fin de l’hiver, & à l’approche du printemps on la lève avec toutes ses racines, & la terre qui les environne, soit pour la planter dans un pot, soit pour la mettre en pleine terre suivant le climat. Si dans les pays chauds on l’expose contre un mur pour en faire des palissades, il est à propos d’empêcher, pendant un mois ou pendant six semaines, qu’elle ne soit directement frappée par les rayons du soleil ; mais on ne doit pas la priver du courant d’air ni du soleil. Des arrosemens donnés au besoin, quelques légers labours, sont par la suite les seuls soins qu’elle demande.

Les myrtes placés dans des pots ou des caisses, doivent être traités comme les orangers, (voy. ce mot) & comme euX, être transportés avant le froid dans l’orangerie ; je demande s’il ne seroit pas possible d’acclimater cet arbre dans les provinces du centre & du nord du royaume, au point qu’il passât les hivers en pleine terre. Un fait que depuis quatre ans j’ai sous les yeux, me porte à le croire.

En arrivant dans la province que j’habite actuellement, je fis détruire une vieille haie de myrtes ; les jeunes tiges enracinées furent transplantées ailleurs. Il me restoit des tronçons gros comme le bras, plus ou moins ; ne sachant à quoi les employer, je me déterminai à les faire planter dans un sol graveleux, & sur lequel passe avec rapidité l’eau de la rivière lors de ses débordemens. Pendant quatre hivers consécutifs, cette partie a été couverte d’eau au moins pendant deux mois, & les myrtes recepés ont été couverts d’eau. La gelée est survenue, le froid a été de six à sept degrés, la glace serroit les rameaux, & malgré ces rigoureuses épreuves, de cinq pieds il en reste encore deux qui travaillent très-bien ; les autres n’avoient pas repris. Cependant des anciens myrtes de mon jardin ont eu le sommet des pousses endommagé par le froid dont je parle. Comment concilier ces faits qui paroissent contradictoires ?

Les marcottes, les boutures peuvent servir à la multiplication des myrtes à feuilles panachées ; la greffe est plus sûre.

Les botanistes comptent jusqu’à treize espèces de myrtes, bien distinctes, & séparées du myrte commun ; celui-ci produit beaucoup de variétés que les jardiniers appellent espèces.

Le Myrte Romain. Myrthus Romana. Lin. Il diffère de l’autre par ses feuilles ovales, larges ; ses pédoncules sont plus longs. Il se charge d’un moins grand nombre de rameaux.

Le Myrte de Tarente. Myrtus Tatentina. Lin. Les feuilles sont ovales, petites ; les baies plus rondes, ses pousses sont moins fortes.

Le Myrte d’Italie. Myrtus Italica Lin. Ses feuilles ovales, en forme de fer de lance, aiguës ; ses rameaux plus droits.

Le Myrte de Boécie. Myrtus Boetica, Lin. feuilles larges, ovales, lancéolées, plus serrées.

Le Myrte de Portugal. Myrtus Lusitanica. Lin. Feuilles en forme de lance, ovales, très-aiguës.

Le Myrte Belgique. Myrtus Belgica. Lin. À larges feuilles, lancéolées, moins aiguës.

Le myrte à feuilles pointues. Myrtus mucronata. Lin. Feuilles très-petites, linéaires, lancéolées, pointues ; il seroit possible d’ajouter un plus grand nombre de variétés, ou espèces jardinières ; mais en général, elles se rapportent toutes à une de celles désignées par von-Linné