Cours d’agriculture (Rozier)/HÉMORROÏDES

Hôtel Serpente (Tome cinquièmep. 445-447).


HÉMORROÏDES, Médecine rurale. Les hémorroïdes sont des tumeurs rouges, souvent très-douloureuses, qui naissent dans la marge de l’anus, & qui disparoissent lorsqu’elles ont laissé couler au dehors une certaine quantité de sang.

Elles sont ou internes ou externes ; les premières sont cachées dans l’intestin rectum, & les dernières paroissent au dehors ; on appelle hémorroïdes ouvertes celles qui laissent fluer le sang, & hémorroïdes aveugles, celles qui n’en laissent échapper aucune goutte, & qui sont produites par le gonflement des vaisseaux hémorroïdaux,

Les hémorroïdes peuvent tenir à une cause héréditaire ; mais dans les causes générales & accidentelles seront comprises les suppressions des évacuations habituelles, la trop bonne chère, les vives passions de l’ame, tout ce qui peut incendier le sang, & les autres humeurs ; les obstructions du foie & de la rate, une vie trop sédentaire, le défaut d’exercice.

Elles peuvent être occasionnées par une abondance de sang, par l’usage des lavemens irritans & des purgatifs trop forts ; par la constipation, par différentes espèces de tumeurs susceptibles de se fixer dans l’anus & comprimer les vaisseaux hémorroïdaux. Il faut encore admettre une disposition à contracter cette maladie, disposition qui tient toujours à la mollesse, à la lâcheté des fibres. C’est aussi d’après ce principe, que les gens de lettres y sont très-sujets.

Les symptômes avant-coureurs des hémorroïdes, sont une pesanteur dans la région du foie, & une douleur qui augmente après le repas ; le visage teint en jaune ; la conjonctive de l’œil ternie, les digestions difficiles, une pesanteur dans le fondement. Les hémorroïdes qui fluent sont ordinairement salutaires. La suppression du flux hémorroïdal cause les plus grands ravages.

Les hommes, en général, y sont plus exposés que les femmes. J’ai observé que chez certaines personnes du sexe, ce flux tenoit lieu de règles, sur-tout lorsqu’elles disparoissoient de trop bonne heure ; on reconnoît ses bons effets au changement en mieux qu’il opère. Les malades se trouvent plus gais & plus légers ; ils reprennent l’appétit, & vaquent avec un certain plaisir à leurs fonctions journalières : c’est par lui que la nature le débarrasse du sang superflu dans le corps, & qui pourroit déterminer dans quelque viscère essentiel à la vie, des inflammations & des engorgemens. Aussi voit-on des hommes réglés par cette partie comme les femmes.

Le flux hémorroïdal est très-salutaire aux goutteux & aux mélancoliques. Il est quelquefois souverain dans les coliques inflammatoires & bilieuses, & sur-tout dans l’inflammation des viscères du bas-ventre.

On sait que les hémorroïdes sont quelquefois si douloureuses, qu’elles donnent la fièvre, & les malades ne peuvent pas s’asseoir. Des symptômes aussi violens ne s’observent jamais quand elles fluent ; sous ce point de vue, le traitement que l’on se propose, doit avoir pour objet deux temps, celui de l’inflammation & celui de la résolution.

Dans le temps de l’inflammation, on pratiquera la saignée pour calmer les douleurs, abattre le gonflement, & faire cesser les élancemens qu’on éprouve dans le fondement ; on y reviendra, si tous ces symptômes n’ont point cédé à la première évacuation.

On fera donner aux malades des lavemens émolliens, avec la graine de lin, la racine de guimauve, ou bien avec de l’eau & une cuillerée d’huile d’olive récente ; mais on aura le soin d’investir la canule d’un boyau de poulet, pour que son introduction ne puisse pas nuire : on leur prescrira l’usage des tisannes rafraîchissantes & mucilagineuses, telles que l’eau de poulet, l’eau d’orge perlé, le petit lait, les crêmes de riz ; ils exposeront le fondement aux vapeurs d’une forte décoction de fleurs d’althea, & de pariétaire.

On appliquera un mélange fait avec le suc de joubarbe, un jaune d’œuf, & un grain d’opium. Sauvage recommande beaucoup les cataplasmes faits avec les feuilles de joubarbe ; à défaut de la joubarbe, on peut y suppléer avec le lait, le safran, les feuilles de bouillon blanc, les fleurs de camomille, & les feuilles de jusquiame. Les demi-bains préparés avec la décoction de ces plantes, seront aussi très-avantageux. On peut prévenir le retour des hémorroïdes, en se bassinant le derrière, tous les jours, avec de l’eau froide ou tiède ; & en buvant tous les jours une pinte d’eau coupée avec un verre de lait.

Si tous ces remèdes sont insuffisans, on aura recours à l’application des sangsues à l’anus, qui en procurant le dégorgement des vaisseaux hémorroïdaux, opérera le prompt rétablissement de la santé.

La curation des hémorroïdes externes est à peu-près la même. Mais il paroît que l’application des remèdes doit agir d’une manière plus efficace ; néanmoins, on doit s’abstenir de tous corps gras & onctueux qui sont plus nuisibles qu’avantageux, en bouchant les pores de la transpiration ; en un mot, l’application des sangsues sur l’hémorroïde est préférable : je soutiens qu’elle est le seul & unique remède. Ce moyen entre mieux dans les vues bienfaisantes de la nature, & est plus conforme à ses mouvemens salutaires ; c’est par lui qu’elle est aidée dans ses efforts, & rappelée de ses écarts.

Quand les hémorroïdes reconnoissent pour cause des obstructions dans le foie, on a recours aux remèdes propres à les combattre. (Voyez Obstruction).

Les remèdes astringens ne seront employés que lorsque le flux hémorroïdal sera excessif, & qu’il y aura à craindre un état de foiblesse. On commencera par les plus simples, pour passer insensiblement à l’usage des plus énergiques.