Cours d’agriculture (Rozier)/FISTULE

Hôtel Serpente (Tome quatrièmep. 639-641).


FISTULE, médecine vétérinaire. C’est un ulcère profond, dont l’entrée est étroite, & le fond ordinairement large, accompagné, le plus souvent, de duretés, de callosités, avec issue d’une matière purulente. (Voyez Ulcère)

Considérons seulement les fistules qui attaquent ordinairement certaines parties du corps du cheval.

1°. Fistule lacrymale. Elle s’annonce au grand angle de l’œil, par une tumeur phlegmoneuse, laquelle, en s’abcédant, produit une matière purulente, qui s’écoule le long de cette partie. Quelquefois il y a tumeur sans pus, avec une grande abondance de larmes. Les points lacrymaux sont engorgés & souvent ulcérés, & on observe, pour l’ordinaire, un ulcère entre les paupières, & à la caroncule lacrymale. (Voyez Caroncule)

Causes. On rapporte cet accident à l’âcreté des larmes, qui, en séjournant, gâtent & ulcèrent cette partie ; le plus souvent, il est une suite d’un virus qui agit intérieurement, tel que le virus du farcin, de la morve, &c. (Voyez Farcin, Morve.)

Curation. Dès l’apparition de la tumeur, on doit appliquer sur la partie des cataplasmes émolliens, faits avec les feuilles de mauve ou de pariétaire seulement, & les réitérer trois ou quatre fois par jour. Mais si la maladie est avancée, & qu’il y ait écoulement de matière purulente, il faut essayer d’abord de déterger l’ulcère avec des injections détersives, faites par le canal lacrymal, dont l’ouverture est au bord des narines, au haut de la lèvre inférieure ; ces injections détersives consistent en orge entier, deux poignées, qu’on fait bouillir dans une suffisante quantité d’eau, & réduite à une pinte ; sur la fin de l’ébullition, on ajoute roses rouges & fleurs de millepertuis, de chaque une poignée ; on passe le tout ; on fait fondre, dans la colature, six onces de miel ordinaire ; on mêle, pour injecter tiède dans le canal lacrymal. Il arrive quelquefois que cette liqueur ne peut point passer, à raison de l’engorgement des points lacrymaux ; il faut pour lors injecter de bas en haut. Mais lorsqu’on est obligé d’ouvrir le sac, on y procède de la manière suivante : un aide contenant les paupières avec un instrument convenable, le maréchal introduit la sonde cannelée, & il fait une incision avec le bistouri ; l’opération faite, il lave la partie avec du vin chaud ; il panse ensuite la plaie avec des petites tentes chargées de digestif simple, jusqu’à ce que la suppuration ne soit plus si abondante, & que la plaie soit belle ; alors les baumes de Copahu ou du Pérou suffisent pour le pansement, jusqu’à parfaite guérison.

2°. Fistule à la saignée du col. On reconnoît qu’il y a fistule en cet endroit, par une élévation, par la dureté, & par un petit point rouge d’où suinte la partie séreuse du sang. Quant aux causes & à la curation de cette espèce de fistule, voyez ce que nous en avons déjà dit à l’article Col.

3°. Fistule aux bourses. On s’en apperçoit par un écoulement de matière, qui subsiste après qu’un cheval a été hongré. (Voyez le mot Castration, où se trouve décrite la cause de cet accident.)

4°. Cette fistule survient ordinairement à la suite d’un dépôt ou d’une corrosion quelconque, & quelquefois à la suite de l’opération de la queue à l’angloise, dont la première section a été faite trop près de l’anus. L’ulcère est plus ou moins profond ; il est situé au-dessus ou aux parties latérales de l’anus, & attaque le corps ligamenteux qui s’étend sous la queue du cheval.

Curation. Lorsque les incisions multipliées ne suffisent pas pour en procurer la guérison, il faut alors en venir à l’extirpation. Si l’animal, par exemple, a l’anus gonflé d’un côté, & tourné de travers, ainsi que la queue, on doit examiner cette partie avec attention. Si l’on y découvre une cicatrice, c’est une preuve qu’il y a eu une ancienne fistule : la tumeur est alors dure ; on y applique des compresses à fenêtres, imbibées de décoction des plantes émollientes, contenues par un bandage qu’on a soin d’humecter de temps en temps. Il est des cas où la tumeur paroît être la suite de l’inflammation, d’une autre humeur interne : on s’en assure encore mieux, en introduisant le bras dans le rectum du cheval, après l’avoir enduit d’huile d’olive. Si cela est, il faut donner des lavemens émolliens en quantité, jusqu’à ce qu’on sente la fluctuation de cette tumeur. On donne issue à la matière purulente, par le moyen d’un bistouri pliant, que l’on ouvre, & que l’on passe entre les doigts moyen & annulaire, afin de pratiquer l’incision suivant la longueur de l’intestin. Toute la matière s’étant évacuée, on fait des injections dans la plaie avec du vin miellé, pendant sept à huit jours. Par cette méthode simple, on voit bientôt la tumeur observée à l’extérieur se dissiper, & le cheval guérir radicalement. M. T.