Cours d’agriculture (Rozier)/ENFANT

Hôtel Serpente (Tome quatrièmep. 209-216).


ENFANT, Médecine rurale.

ENFANT. Santé. Allaitement.  
Propreté.
Liberté.
Maladies.
À sa naissance jusqu’à six mois.
Cordon ombilical.
Méconium.
Coliques & tranchées.
De six à douze mois.
Aigreur de lait.
Dévoiement.
Rache ou Teigne.
De douze à dix-huit mois.
Dentition.
Échauboulure.
Sevrage.
Marche des Enfans.


L’homme n’est pas plutôt né qu’il est sujet aux maladies, & quoiqu’elles lui soient communes dans tous les temps de sa vie, il est plus exposé à en contrôler certaines qui sont relatives à son jeune âge & à la foiblesse de ses organes. Aussi les personnes chargées de éducation des enfans, doivent-elles redoubler de soins & d’attentions pour tout ce qui les concerne. La nature est muette chez eux ; ils ne peuvent faire connoître qu’ils souffrent, que par les pleurs & les gémissemens, fidèles interprètes de leurs maux. C’est alors qu’il faut voir & examiner avec attention la plus scrupuleuse, d’où proviennent leurs plaintes.

I. L’allaitement contribue beaucoup à la formation d’une bonne ou mauvaise constitution. D’après ce principe, toutes les mères doivent nourrir leurs enfans : tout le leur ordonne ; la nature, la religion, leur propre sang leur en imposent la loi ; elles doivent s’y soumettre sans aucune restriction, quand elles le peuvent ; elles conserveroient leur propre fruit, & assureroient à l’état, & à la société, un grand nombre de citoyens. Celles qui se refusent à un devoir aussi essentiel, ne méritent point le nom de mères, & dans le fait, elles ne sont que des marâtres.

Rien n’est si contraire aux loix de la nature, que de voir une mère se croire au-dessus de tels soins. Les animaux font-ils élever leurs petits par des animaux étrangers ? non sans doute ; aussi les voit-on tous venir à bien. J’ose avancer que si les mères nourrissoient & ne confioient pas leurs enfans à des nourrices étrangères, avides & mercenaires, on n’en verroit pas la moitié périr, depuis leur naissance jusqu’avant l’âge de quatre ans révolus. Voyez les Tables de M. Dupré de Saint-Maur, dans l’Ouvrage de M. de Buffon.

En vain opposera-t-on que l’allaitement les expose à perdre leur santé. Il y a une exception à faire ; il faut convenir que toutes les mères ne peuvent point allaiter : celles d’un foible tempérament, d’une santé très-délicate, celles qui sont fort maigres & menacées de phthisie, en sont exemptes ; elles s’exposeroient au plus grand des dangers ; leur perte & celle de leur nourrisson en dépendroient ; ce n’est pas à elles que ceci s’adresse, mais aux mères qui préfèrent leurs plaisirs à un devoir aussi essentiel. Ces jeunes infortunés auroient éprouvé un meilleur sort, s’ils étoient nés de parens moins heureux.

Le lait est l’aliment des nouveaux-nés. Il est donc essentiel, lorsqu’une mère ne peut nourrir, de choisir une excellente nourrice ; payez bien & choisissez. Quant aux qualités que le lait doit avoir, voyez le mot Lait. Le choix des nourrices exige beaucoup attention : on doit voir si elles jouissent d’une bonne santé, & si elles ont les épaules larges ; si elles ne sont infectées ni de tache, ni de vice écrouelleux, scorbutique & vérolique. Il vaudroit mieux substituer aux enfans le lait de chèvre ou de vache, que celui d’une nourrice qui seroit souillée de quelqu’un de ces vices.

Le lait des véritables mères influe beaucoup sur le caractère des enfans. Un enfant allaité par sa propre mère, qui aura un caractère doux, sera doux comme elle ; s’il est allaité par une nourrice dont le caractère soit fâcheux, grossier, il participera de ses défauts.

Un autre avantage qu’ont les mères qui nourrissent leurs enfans, est de ne les pas voir mourir par défaut de soin & de nourriture. Une mère nourrit son enfant, une mercenaire en allaitera plusieurs à la fois, & ces malheureuses victimes de la cupidité, tombent dans un état de maigreur & de consomption, & elles périssent. Si leur tempérament est assez fort pour résister à cette épreuve, ils seront tout au moins retardés dans leur accroissement, & ce retard sera pour eux un obstacle invincible au développement de leur constitution. Tous ces inconvéniens n’arriveroient point, si les mères n’étouffoient pas le cri de la nature, & si la santé de leurs enfans les intéressoit essentiellement.

II. La propreté est nécessaire à tous les hommes, & encore plus aux enfans. Les premiers peuvent se la procurer par eux-mêmes, mais l’enfant a besoin de secours étrangers.

Rien ne favorise autant la transpiration que de changer souvent de linge. Sa suppression est la source des plus grandes maladies. Aussi la propreté des enfans doit-être un des principaux devoirs des nourrices.

Les françois qui se plaisent à imiter toutes les nations étrangères, soit dans leurs habits, soit dans leurs modes, devroient se conformer à l’usage qu’ont les anglois de faire baigner & laver, tous les jours, le corps de leurs enfans. Ce n’est ni par ton, ni par luxe qu’ils se sont imposés cette loi ; ils ont reconnu le besoin & la nécessité d’y avoir recours, soit pour tenir leur corps propre, soit pour les fortifier & favoriser la transpiration ; les lotions fréquentes nettoient la peau des ordures qui la souillent.

Chaque fois qu’un enfant se salit dans ses langes, on doit le changer aussitôt, & ne pas attendre ce qu’on appelle l’heure du maillot. Rien n’est plus préjudiciable à la santé des enfans, que de les laisser dans l’ordure, sur-tout en été. L’âcreté des matières, leur chaleur, jointe à celle de l’atmosphère, produisent sur leurs membres des rougeurs, des excoriations & des plaies.

Quand les enfans en sont attaqués, bien loin de recourir à l’application des remèdes dessiccatifs, tels que la poudre de bois vermoulu, la céruse, il vaut mieux préférer une méthode plus douce, plus simple & plus efficace, qui consiste à les envelopper dans ses linges chauds bien lessivés, & adoucis en les froissant entre les mains.

Cette méthode n’est pas dangereuse, & est plus conforme aux vues de la nature. Les enfans sont à l’abri des convulsions, des coliques, des accès épileptiques qui arriveroient à coup sûr, si ces excoriations dépendoient de quelque humeur viciée surabondante, qui se seroit ainsi ouvert une route favorisée par l’âcreté des excrémens. Ce fait n’est pas sans exemple : j’ai plusieurs fois observé que de tels accès épileptiques étoient le plus souvent produits par la répercussion de quelque humeur âcre sur les nerfs ; la guérison exige d’avoir recours à l’application des exutoires, afin de donner une issue à cette humeur & faire cesser la maladie.

III. Emmaillotter les enfans est le plus grand préjudice qu’on puisse porter à leur accroissement & au développement de leurs membres. Le célèbre Jean-Jacques, pour le bonheur de l’humanité, a mis cette vérité dans le plus grand jour. Le maillot est à l’enfant, ce que les ligatures sont à l’arbre ; si on le lie fortement, au bout de quelque temps on verra que l’endroit de la ligature a été privé d’une grande portion de sève ; elle s’est fixée tout autour des parties du dessus de la ligature, & les a fait grossir de manière qu’elles forment un bourrelet. Combien d’enfans ont été les victimes du maillot ? Combien n’y en a-t-il pas qui sont difformes, & même bossus pour avoir été, pour ainsi dire, garrottés en venant au monde !

La plupart des sages-femmes de province font consister leur habileté à savoir bien serrer un enfant dans le maillot ; c’est le comble du ridicule & de la cruauté : la belle proportion du corps des enfans ne dépend point du maillot. Parmi les sauvages, voit-on des hommes contrefaits ? connoissent-ils cette pratique abominable ? ils suivent la voix de la nature, qui exclut toute gêne, toute bande, & tout ce qui peut comprimer. Les animaux en fournissent les preuves les plus frappantes ; leurs petits naissent très-délicats, & ne deviennent jamais contrefaits, pour n’avoir pas été emmaillotés.

Le corps du nouveau-né doit exécuter plusieurs fonctions. Une des plus importantes est la circulation du sang ; pour qu’elle ait complètement lieu, il ne faut aucun obstacle ni en dedans ni en dehors ; le maillot en offre un bien considérable : on ne peut emmaillotter, sans comprimer le corps ; cette compression, en s’opposant à la libre circulation des fluides, empêche l’égale distribution des forces du suc nourricier dans toutes les parties, & conséquemment leur accroissement ne se fait plus dans la même proportion. Une partie acquiert trop de volume, tandis qu’une autre demeure trop petite. C’est ainsi que toute la forme du corps devient disproportionnée & défigurée. Ajoutez à cela que lorsqu’un enfant est gêné dans les liens, il cherche naturellement à s’éloigner de ce qui le blesse, & qu’en faisant contracter à son corps une posture contre nature, il acquiert, par habitude, une mauvaise conformation.

Faut-il être surpris d’entendre si souvent pleurer les enfans emmaillotés ? Les pleurs sont les seules ressources de leur foiblesse, & les cris & les gémissemens, leurs seules armes. Ils pleurent, donc ils souffrent ; rendez la liberté à leurs membres, le calme renaît, le sourire est sur leurs lèvres, & semble remercier la main bienfaisante qui les rend à l’état de nature. Malheureuses victimes ! votre bien-être est passager, & la barbare habitude va bientôt resserrer vos liens. À peine êtes-vous nées que vous êtes traitées en esclaves, & vous êtes enchaînées comme si vous aviez déjà commis les plus grands crimes !

Des Maladies ordinaires dans les six premiers mois.

I. Le cordon ombilical est formé par l’assemblage des deux artères & d’une grosse veine qui s’étend depuis ombilic de l’enfant, jusqu’au placenta ; sa longueur varie quelquefois, mais le plus ordinairement elle est d’une demi-aune.

Le cordon ombilical facilite la circulation qui a lieu entre la mère & l’enfant. Il faut observer que, pour cela, la veine ombilicale fait fonction d’artère, & que c’est par elle que le sang est transmis de la mère à l’enfant, & une partie de ce même sang, parvenue à l’aorte inférieure, retourne au placenta par les artères ombilicales, & de-là en partie dans les veines du même nom, & dans les vaisseaux de la matrice. Ce cordon, si nécessaire à la vie de l’enfant, produit quelquefois les accidens les plus fâcheux, au moment de sa sortie hors de la matrice ; il peut se trouver entortillé autour du col, & s’opposer au progrès de l’accouchement.

L’enfant n’a pas plutôt vu le jour, qu’on fait la section du cordon ombilical, & tout de suite sa ligature. Il y a néanmoins des circonstances où il faut la différer pour ramener l’enfant à la vie, sur-tout s’il ne respire pas, & si le défaut de respiration dépend d’un engorgement sanguin, d’un état de plénitude générale, soit à la tête, soir aux poumons.

On pare à cet inconvénient, en laissant évacuer une certaine quantité de sang. La ligature est, au contraire, de nécessité première, quand un enfant est affoibli, parce que sa mère a perdu beaucoup de sang. Elle peut être omise ou pratiquée sans inconvénient, dès que l’enfant sorti du sein de sa mère, est fort, vigoureux, & respire facilement. Mais la ligature ne sera jamais nuisible quand on la fera avec attention.

II. Le méconium est une matière excrémentitielle noirâtre, que les enfans rendent par le fondement, après leur naissance. Si elle séjourne dans les intestins, elle leur cause ces coliques, des tranchées, quelquefois même le météorisme ; les sages-femmes qui sont chargées du soin des enfans, ne doivent pas perdre de vue cette évacuation ; cet état est pour eux si douloureux, qu’ils poussent les cris les plus vifs. Dans ces circonstances, il faut avoir recours à des remèdes très-doux & propres à lâcher leur ventre, comme l’huile d’amandes douces, le sirop de violettes, le miel pur, ou délayé dans un peu d’eau, lorsque le premier lait de leur mère ne peut pas le leur faire évacuer.

III. Les coliques & les tranchées qu’ils éprouvent, ne dépendent pas toujours du méconium retenu dans leurs intestins, sur-tout s’ils en sont attaqués après les six premières semaines de leur naissance ; cette matière a eu le temps d’être expulsée : elles ont pour cause, un lait grossier qui tourne à l’aigre, ou des alimens de difficile digestion, que les nourrices prennent. Les coliques saisissent les enfans tout-à-coup, & leur font pousser les cris les plus aigus ; leur ventre devient tendu & il est très-douloureux lorsqu’on le touche ; la couleur des excrémens est verte ; les enfans ont quelque envie de vomir.

Il faut appliquer sur le bas ventre, des fomentations émollientes, leur donner des lavemens avec la décoction de fleurs de mauve, & de graine de lin ; leur faire avaler quelques cuillerées d’huile d’amandes douces, une décoction de riz, dans laquelle on délayera quelques grains de thériaque. Mais les nourrices qui allaitent ces enfans, doivent se priver de tout aliment salé, épicé, & de haut goût : elles s’humecteront beaucoup en prenant, dans la journée, plusieurs verres de tisanne faite avec la racine de guimauve : les crèmes de riz, d’orge, l’avenat, les autres farineux, sont également très-appropriés dans ces circonstances.

Des Maladies de six à douze mois.

I. Le lait que les enfans prennent, tourne quelquefois à l’acide, & leur fait éprouver des coliques, des vomissemens, toujours suivis des douleurs les plus vives. Dans cet état, leur estomac ne peut plus digérer, & si on s’obstine à les gorger de lait, on les expose aux plus grands dangers.

Le parti le plus sage est de recourir aux poudres absorbantes, comme celles d’yeux d’écrevisse, des coraux préparés, dont on délaye quelques grains dans une cuillerée d’eau, & on leur en donne à plusieurs reprises dans la journée.

Après l’usage de ces poudres, si ces aigreurs persistent, avec des envies de vomir, on aidera la nature dans ses efforts, en leur donnant une ou deux gouttes de sirop de glauber, dont on facilitera l’effet par quelques cuillerées d’eau sucrée. Si, malgré cet émétique doux, les coliques, les tranchées n’ont point disparu, alors on doit les purger avec une dissolution de manne, à laquelle on ajoute une ou deux onces de sirop de fleurs de pêcher, ou de chicorée composé.

II. Le dévoiement des enfans produit par le lait, se fait connoître par des déjections plus fréquentes, & plus liquides que ne le sont ordinairement celles des enfans qui tettent.

Pour bien distinguer les causes capables de le produire, on doit examiner si les excrémens sont homogènes, ou s’ils sont mêlés de quelques morceaux de viande que leur estomac n’a pu digérer ; il faut encore faire attention à leur couleur ; voir s’ils sont chyleux, gris, fromageux, laiteux. On pourra les appercevoir tels, sur-tout si les nourrices, par défaut de lait, ont été réduites à la dure nécessité de leur donner des alimens solides, à demi-mâchés, ou des fruits peu mûrs. Le dévoiement est quelquefois produit par la pousse des dents ; alors il faut avoir recours aux moyens décrits au mot Dentition. (Voyez ce mot)

On guérit les enfans du dévoiement, en les sevrant de tout aliment grossier, crud, & de difficile digestion. Cela seul ne rétabliroit point leur santé ; il convient de les purger de deux jours l’un, avec le sirop de chicorée composé, à la dose d’une once. Les remèdes stomachiques & absorbans, comme la confection d’hiacynthe mêlée à quelques grains de poudre d’yeux d’écrevisses, produiront les meilleurs effets.

III. La rache proprement dite, est une maladie qui n’attaque jamais que la partie chevelue de la tête, & les autres parties où il y a du poil ; il y en a de plusieurs espèces. Comme le mot rache est le même que le mot teigne, je renvoie le lecteur à ce dernier.

Les maladies de douze à dix-huit mois, sont la dentition, les échauboulures. (Voyez ces mots)

I. Sevrer les enfans, c’est les empêcher de teter : cette époque est quelquefois terrible pour eux ; ils se ressentent pendant long-temps de la privation du lait. Aussi sont-ils inquiets, rêveurs, tourmentés d’insomnie, insupportables à eux-mêmes ; s’ils voient leur nourrice, ils pleurent, ils veulent teter. Ils témoignent l’envie & le désir qu’ils en ont, par le mouvement des pieds & de leurs mains. On est forcé de les approcher des mamelles, & malgré le soin que l’on prend ordinairement de noircir le mamelon, soit avec de la suie, soit avec d’autres matières liquides noires & amères pour les en détourner, il en est qui ne sont point du tout arrêtés par la couleur, ni par amertume.

Ceux-là se ressentent beaucoup du sevrage ; &, si on s’obstine à les empêcher de teter, ils deviennent maigres ; cet état de maigreur qui leur survient, est pour eux un changement utile ; il est l’effet, comme le dit Broncet, dans son Éducation médicinale des enfans, d’un dégorgement de petits vaisseaux remplis d’un suc laiteux, qui doit faire place à une limphe nourricière, d’une autre nature, & d’une consistance plus solide : car un chyle bien conditionné, mais provenant de toute autre matière que du lait, porté dans des vaisseaux remplis de sucs laiteux, peut aussi bien nire, que la viande mêlée au lait dans l’estomac.

Le temps propre à sevrer les enfans, varie : la force du tempérament, leur âge, les circonstances où ils se trouvent, la nécessité de le faire, la délicatesse de leur constitution, établissent tout autant d’époques différentes.

Un enfant fort & vigoureux n’a pas besoin de teter aussi long-temps qu’un autre qui sera foible & très-délicat ; celui-ci exige de rester plus long-temps entre les bras d’une nourrice. S’il venoit à être sevré, s’il étoit réduit à l’usage des alimens d’une nature différente du lait, son estomac ne pouvant pas les digérer, il tomberoit dans un état de consomption qui le conduiroit au tombeau.

L’époque la plus ordinaire pour le sevrage, est depuis quatorze jusqu’à dix-huit mois ; il y a des enfans qui tetent trois & même quatre ans. J’en connois un qui en a teté quatre ; mais il étoit issu d’une mère phthisique, & dont les humeurs étoient si viciées, que la moindre piqûre qu’il se faisoit sur la peau, établissoit des plaies d’un mauvais caractère ; ce même enfant a été inoculé à l’âge de trois ans ; la petite vérole exerça sur son corps toutes ses cruautés. Depuis cette époque, il jouit de la meilleure santé ; mais il teta encore un an après avoir été inoculé.

Les enfans nouvellement sevrés exigent les plus grands soins ; on doit leur donner des alimens doux & de facile digestion, comme soupe à la viande & au lait. Dans la province de Languedoc, on est dans l’usaage de les accoutumer à manger tous les matins la soupe à l’ail : ce végétal est très-propre à fortifier leur constitution, & à les garantir des maladies. Personne n’ignore que l’ail est la thériaque des pauvres, & leur antidote.

Les fruits mûrs de toute espèce leur sont très-avantageux ; ils sont d’autant plus recommandables qu’ils peuvent leur faire oublier le lait de leurs mères. Les crèmes de riz, le vermicelle adouci avec le sucre, conviennent très-bien à leur tempérament. Si, malgré tous ces moyens, ils maigrissoient pour avoir été sevrés trop tôt, & qu’il y eût à craindre qu’ils tombassent dans la consomption, le plus sûr parti à prendre est de leur redonner le lait de leur nourrice, pour les remettre en bon état.

II. Ce sera toujours en vain que les enfans auront reçu de leurs parens une bonne constitution, si on ne prend les moyens nécessaires à sa conservation. Pour cela, il faut leur faire faire de l’exercice, par des moyens convenables à leur âge, sans nuire à leur accroissement.

Je crois que, pour parvenir à ces fins, on ne devroit pas se servir de lisières pour leur apprendre à marcher ; rien ne les expose plus à devenir voûtés. La poitrine des enfans étant le centre sur lequel porte leur corps, se trouvant fortement comprimée, la respiration devient difficile, le poumon s’altère, & les enfans restent exposés aux maladies de poitrine.

Voit-on les animaux se servir de ces moyens pour apprendre à marcher à leurs petits ? La nature ne les instruit-elle pas ? Pourquoi les enfans seroient-ils privés des mêmes avantages ? Ceci n’est pas un paradoxe ! Ne trouve-t-on point d’exemple d’enfans qui aient appris à marcher d’eux-mêmes ; J’en connois deux qui n’ont jamais été emmaillotés, & qui à l’âge de huit mois, se rouloient sur un tapis, & s’aidoient de leurs pieds & de leurs mains, & qui ont marché à leur treizième mois.

Si les enfans jouissoient d’une entière liberté, au moment de leur naissance, ils marcheroient plutôt, parce que leurs membres n’ayant point été gênés, comprimés par le maillot, auroient acquis un plus grand degré de force. Je ne veux pas dire qu’il faille abandonner les enfans à eux-mêmes, & qu’il ne faille pas attendre que leurs extrémités inférieures qui doivent porter le corps, n’aient acquis un certain degré de force. Avant ce temps, si on essayoit de les faire marcher, ils seroient trop foibles, & leurs jambes & leurs pieds plieroiont sous le poids de leurs corps : cet essai pourroit leur être très-préjudiciable. On doit porter les enfans au bras, tantôt sur l’un, tantôt sur l’autre, pour éviter le défaut de conformation des jambes, &c. Il faut les promener à l’air libre, en les tenant par la main ; les exercer de cette manière plusieurs fois dans la journée, & ne pas les confier à des gardes trop jeunes & trop foibles. On doit aussi leur recommander de veiller à ce que les enfans ne renversent point leur tête, ni qu’ils fassent des mouvemens du corps en arrière, de peur qu’ils ne se luxent quelque vertèbre. M. AM.