Cours d’agriculture (Rozier)/EMPLÂTRE

Hôtel Serpente (Tome quatrièmep. 203-206).


EMPLÂTRE. Médicament composé & étendu sur du linge, de la peau, du cuir, & qu’on applique sur la partie affligée. Les matières qui servent à former les emplâtres, sont en général les huiles, les infusions, les décoctions, les graisses, les odeurs, le miel, la térébenthine, la cire, les baumes, les gommes, les chaux métalliques, les poudres tirées des trois règnes, &c.

Les emplâtres destinés à être appliqués sur la poitrine, sur l’estomac, doivent être souples & doux : dans ce cas, ils approchent des cataplasmes ; ceux, au contraire, qu’on doit appliquer sur les membres, doivent être fermes & agglutinatifs. Que d’emplâtres dans les pharmacies ! Que d’inutilités parées de grands noms ! ce qui a été dit au mot Baume, & ce qui sera encore dit au mot Onguent, s’applique au mot Emplâtre ; & on ne sauroit trop remercier l’académie de chirurgie de Paris, d’avoir enfin dessillé les yeux du public sur cet amas prodigieux d’emplâtres : voici la recette de quelques-uns des plus utiles.

Emplâtre de blanc de baleine. Faites fondre au bain-marie, dans un vase de faïence, blanc de baleine, deux onces ; cire blanche, quatre onces ; huile par expression des quatre semences froides majeures, une once & demie. Versez le mélange dans un mortier de marbre ; agitez fortement avec un pilon de bois, dès qu’il commence à se refroidir, & formez-en des magdaléons ; enfin, tenez-le renfermé dans un bocal de verre ; il relâche les bords des ulcères, diminue l’âcreté du pus, s’oppose à l’inflammation trop vive des bords d’une plaie, & favorise sa cicatrice ; il ne cause point d’irritation particulière.

Emplâtre de céruse. Blanc de céruse en poudre, une livre ; (prenez garde que la céruse ne fort mêlée avec de la craie, nommée blanc d’Espagne, blanc de Troyes, &c. ce que vous reconnoîtrez en la noyant dans l’eau, l’agitant & la laissant reposer ; la céruse se précisera au fond, & la craie formera un lit par-dessus la céruse, de couleur assez différente pour être sensible ; ou bien, ajoutez de la graisse à cette céruse soupçonnée, mettez-la dans une cuiller de fer exposée à un grand feu, elle se fondra, se convertira en plomb, & la craie restera par-dessus sous forme de poussière : cette mixtion est très-commune) ; huile d’olive, deux livres ; eau, quantité suffisante ; faites cuire ce mélange jusqu’à consistance d’emplâtre, & agitez, sans discontinuer, avec une spatule de bois ; lorsqu’il est suffisamment cuit, ajoutez cire blanche, trois onces ; faites du tout un emplâtre, il dessèche les ulcères bénins & superficiels.

Emplâtre de ciguë. Poix résine, deux livres moins deux onces ; cire jaune, seize onces ; poix blanche quatorze onces ; huile de ciguë, quatre onces ; feuilles de ciguë broyées, quatre livres.

Mettez toutes ces substances dans une bassine, faites chauffer à petit feu, presque jusqu’à consomption de toute l’humidité ; passez à travers un linge, en exprimant fortement ; laissez refroidir la masse en la séparant de ses fèces ; ensuite, faites liquéfier l’emplâtre dans une bassine propre, & ajoutez de la gomme ammoniac en poudre, une livre ; mêlez le tout exactement & formez un emplâtre. Il est regardé comme le topique : le plus puissant pour résoudre les tumeurs squirreuses, les tumeurs scrophuleuses, les tumeurs cancéreuses.

Emplâtre de dialpume. Faites bouillir dans une terrine de grès, huile-d’olive, axonge, litharge, de chacun trois livres ; eau de rivière, deux livres ; remuez sans cesse avec une spatule de bois, ajoutez de l’eau à mesure qu’elle s’évapore ; aussitôt que la dissolution est faite, & que le mélange a la consistance convenable, ajoutez cire blanche, neuf onces, avec quatre onces de vitriol blanc, dissous dans suffisante quantité d’eau de rivière ; ne cessez d’agiter ces matières ; diminuez le feu à proportion que l’eau s’évapore ; dès que le mélange ne boursouffle plus, retirez du feu ; remuez jusqu’à ce que le tout soit refroidi.

Cet emplâtre relâche, rafraîchit la partie sur laquelle on l’applique, y retient l’insensible transpiration : son plus grand avantage est de remédier aux écorchures qu’un trop long séjour des malades dans le lit occasionne sur différentes parties du corps. On peut le suppléer par celui de baleine.

Emplâtre vert. Faites fondre à un feu très-doux, cire jaune, deux livres ; poix résine, douze onces ; térébenthine, six onces ; retirez du feu ; ajoutez verdet tamisé, trois onces ; & mêlez exactement jusqu’à ce que le tout soit refroidi.

Lorsque les parois des ulcères séreux & sanieux des jambes n’ont pas beaucoup de sensibilité, il aide à la détersion & à la cicatrice, & lorsqu’il ne produit pas cet effet, il retardé les progrès de l’ulcère. Ses avantages s’étendent sur la plupart des ulcères des autres parties du corps, avec chairs trop élevées ou trop promptes à croître, ou trop molles, avec abondance de pus sans présence de virus.

Quant à l’emplâtre de vigo avec ou sans mercure, il vaut mieux l’acheter tout préparé chez les apothicaires, ainsi que l’emplâtre vésicatoire.


Emplâtre, Jardinage. Je copie cet article tout entier de l’Ouvrage de M. Roger de Schabol ; il n’y a rien à y ajouter.

« Le mot emplâtre emprunté de la médecine & de la chirurgie, s’applique aux végétaux qui ont des plaies : on a travaillé jusqu’ici à les hacher, les morceler & les déchiqueter ; mais non à les conserver, à les panser, les médicamenter, les guérir. &c. On voit, au contraire, que dans le peu dont on s’est avisé pour leur cure, on a pris tout le contre-pied de ce qu’il falloit pour les guérir. »

« Sans entrer dans aucun détail sur les recettes hasardées sans examen, que l’on considère loin de toute prévention, par exemple, la cire verte employée pour les plaies des orangers, & l’on reconnoîtra que, loin d’être utile, elle est préjudiciable. 1°. La cire par elle-même est un dessiccatif, par conséquent elle ne peut attirer la sève, & doit retarder la guérison ; 2°. elle est en même temps un corps graisseux qui jamais ne peut s’allier avec un liquide tel que la sève ; aussi les plaies des orangers ainsi pansées, sont des temps infinis à guérir ; au lieu qu’avec de la bouze de vache elles ne tardent pas à se cicatriser. Un peu de jugement suffit pour faire comprendre que tout ce qu’on appelle corps graisseux ne peut s’allier avec aucun séreux, & que la sève étant séreuse ne peut jamais sympathiser avec ni poix, ni huile, ni beurre, ni résine, ni graisse ; & enfin, quelque précaution qu’on prenne, il n’est pas possible d’empêcher toutes ces matières onctueuses & graisseuses de fondre lors des ardeurs brûlantes du soleil des mois-de juillet & août, du moins aux endroits des plaies sur lesquelles il darde aplomb ; alors les parties grasses qui sont fondues s’étendent horizontalement, imbibent une grande plaie, bouchent au-dehors les pores de la peau, & dedans elles abreuvent le parenchyme dont les parties sont spongieuses ; enfin, la sève qui est séreuse ne peut plus y passer. »

L’onguent de Saint-Fiacre, (voyez ce mot) est préférable à tous ces emplâtres.