Cours d’agriculture (Rozier)/EFFORT

Hôtel Serpente (Tome quatrièmep. 149-152).


EFFORT, Médecine Vétérinaire. Ce terme désigne en hippiatrique, non-seulement le mouvement forcé d’une articulation, mais encore une extension violente de quelques-uns des muscles, des tendons & des ligamens de l’articulation affectée.

Des parties qui sont le plus sujettes à l’effort. L’épaule, le bras, les reins, la cuisse, le jarret & le boulet sont plus sujets aux efforts que les autres parties. Nous allons entrer dans le détail des causes, des signes & de la cure de chacun en particulier.

Effort d’épaule & de bras. L’effort de ces parties s’exprime par les mots d’écart, d’entr’ouverture. (Voyez Écart, Entr’ouverture)

Effort des reins. On doit envisager les efforts des reins comme une extension plus ou moins considérable des ligamens qui servent d’attache aux dernières vertèbres dorsales, & aux vertèbres lombaires, accompagnée d’une forte contraction de quelques muscles du dos & des muscles des lombes.

Causes. Une chute, des fardeaux trop pesans, un effort fait par l’animal, soit en voulant sortir d’un mauvais pas, soit en glissant, soit en sautant, soit en se relevant de dessus la litière même, peuvent en être la cause.

Signes. Lorsque l’effort a été violent, l’animal n’est pas libre de reculer, il peut à peine faire quelques pas en avant ; & pour peu qu’on veuille le contraindre, le train de derrière fléchit & se montre sans cesse prêt à tomber ; si l’effort n’a pas été extrême, le cheval ressent une peine infinie & une vive douleur en reculant ; il se berce en marchant, la croupe chancelle, & elle balance quand il trotte : cet accident, qui s’annonce par un mouvement alternatif qu’on remarque sur les côtés, est appelé tour de bateau.

Traitement. Il s’agit d’abord de mettre en usage les remèdes généraux de l’inflammation, c’est-à-dire, la saignée, les lavemens, l’eau blanche, sur-tout si l’effort a été extrême ; frotter ensuite les reins avec l’eau de-vie camphrée dans le commencent, empêcher l’animal de se coucher, parce qu’en se relevant il pourroit prendre un nouvel effort. Ces remèdes peuvent être insuffisans, comme nous l’avons remarqué plus d’une fois ; pour lors, il est à propos d’appliquer des boutons de feu sur les reins, à l’endroit des vertèbres lombaires. Cette pratique nous a réussi à merveilles dans plusieurs mules de charrettes. Il est fort rare cependant de guérir radicalement l’effort des reins. Les chevaux & les mules s’en ressentent longtemps, & même tant qu’ils existent, d’autant plus que, lorsque les animaux travaillent, le derrière se trouve plus occupé que le devant. S’il y a des maréchaux qui se flattent d’opérer constamment la guérison de tous les efforts des reins, il faut que le mal soit de petite conséquence, & qu’on puisse le regarder comme un simple & léger détour dans cette partie.

Effort de cuisse. On confond encore aujourd’hui à la campagne, la cuisse avec les hanches, puisqu’on dit improprement qu’un animal a fait un effort des hanches, au lieu de dire qu’il a fait un effort de cuisse. Si l’on avoit observé, comme nous, que le fémur, c’est-à-dire, l’os qui forme la cuisse, est supérieurement articulé avec les os inominés, comme on peut le voir à l’article cuisse, (voyez Cuisse) on comprendroit facilement que cette articulation seule est susceptible d’extension, & par conséquent d’effort, & dès-lors on diroit qu’un cheval a un effort dans la cuisse, & non dans les hanches. (Voyez Hanches)

Causes. L’effort de cuisse est occasionné par une chute, un écart, qui, le plus communément, se fait en dehors, qui tiraille ou qui distend plus ou moins les ligamens capsulaires de l’articulation, ligamens qui d’une part sont attachés à la circonférence de la cavité cotyloïde, & de l’autre, à la circonférence du col du fémur, ainsi que le ligament rond, caché dans l’articulation même qui, d’une part, a son attache à la tête du fémur, & de l’autre, au fond de cette même cavité cotyloïde. Les muscles de la cuisse qui les entourent, & qui assujettissent cet os, souffrent aussi ; il peut y avoir même une rupture de plusieurs vaisseaux sanguins, de plusieurs fibres musculaires ou ligamenteuses, & conséquemment perte de ressort & de mouvement dans les unes & dans les autres ; tous ces accidens, joints à une douleur plus ou moins vive, rendent cette maladie très-fâcheuse.

Signes. Le cheval boite plus ou moins ; il semble baisser la hanche en cheminant, (c’est, sans doute, ce qui fait dire à certains connoisseurs que l’animal boite de la hanche) & traîne toute la partie lésée. Nous avons vu des personnes examiner si le cheval tournoit la croupe en trottant : nous trouvons que ce signe est équivoque dans cette circonstance, & qu’il est seulement univoque dans l’effort des reins.

Traitement. L’effort de cuisse, surtout s’il est extrême, demande que la saignée soit plus ou moins répétée. C’est donc à l’hippiatre à décider sur sa multiplication, selon les cas & les circonstances. On administrera, si la fièvre subsiste, des lavemens émolliens ; on tiendra l’animal au son mouillé & l’eau blanche, & on appliquera des résolutifs aromatiques, tels que la sauge, l’absynthe, la lavande, le romarin, &c. qu’on fera bouillir dans du gros oing, & dont on fomentera le siège du mal trois fois par jour pendant un gros quart d’heure chaque fois, après quoi, on fera des frictions résolutives avec l’eau-de-vie camphrées ammoniacale.

Ce mal peut avoir été négligé ou mal traité, comme il n’arrive que trop souvent à la campagne, ce qui fait que les chevaux en ressentent presque toujours une impression. Le meilleur moyen alors est d’appliquer, après l’usage des résolutifs ci-dessus, une charge fortifiante sur la partie (voyez Charge où l’on trouvera la formule) : ce topique n’a-t-il pas l’effet désiré, on appliquera le feu en roue (voyez Feu) à l’endroit de l’articulation du fémur avec les os des hanches, & non sur le haut des hanches, ainsi que nous le voyons pratiquer communément : le feu est préférable à cette foule de remèdes & de recettes indiquées par certains auteurs. Ce n’est point dans la connoissance de toutes les formules dont la plupart offrent un amas bizarre & monstrueux de drogues d’une vertu différente, que consiste le savoir, mais dans la connoissance de leur vertu propre, & du temps précis dans lequel les médicamens doivent être appliqués : ce qui distinguera toujours l’hippiatre du maréchal.

Effort du grasset. Le grasset est cette partie arrondie du cheval qui forme la jointure de la cuisse avec la jambe, proprement dite. (Voyez Grasset) Cette partie est aussi sujette aux efforts, & reconnoît à peu près les mêmes causes.

Signes. Cette maladie s’annonce toujours par le peu de mouvement que l’on observe dans cette partie, lorsque le cheval commence à mouvoir sa jambe pour cheminer, & par la contrainte dans laquelle il est de la porter en dehors, & sur-tout par l’obligation où sont les parties inférieures de la jambe de traîner & de rester en arrière : on peut joindre à tous ces accidens, l’inflammation, la douleur & l’enflure de la partie.

Curation. L’effort du grasset cède également à la saignée, aux émolliens, aux résolutifs spiritueux ; & dans les cas où la maladie seroit rebelle, on pourra se conduire par les vues que nous avons suggérées ci-dessus, en parlant de l’effort de la cuisse.

Effort du jarret. Celui-ci mérite autant & peut-être même plus d’attention que ceux dent nous venons de parler, parce que, quelques légers que soient les défauts de cette partie, ils sont toujours considérables. Un cheval, par exemple, ne peut-être agréable sous l’homme, qu’autant que le poids de son corps est contre-balancé sur son derrière, & que ce même derrière supporte une partie du poids de devant, & la plus grande charge ; d’où l’on doit conclure que tout effort dans cette partie, qui tend à l’affoiblir & à en diminuer la force & le jeu, ne sauroit être regardé comme un accident médiocre.

Le tendon qui répond à la pointe du jarret, essuie quelquefois seul tout l’effort. Cette corde tendineuse, qui dépend des muscles jumeaux & sublimes, peut être comparée au tendon d’achille de l’homme, & qui comme lui, est susceptible d’effort, toutes les fois qu’il arrivera à ces muscles une contraction assez forte & assez violente pour produire une forte distension dans les fibres musculaires & tendineuses.

Causes. Les accidens que nous venons de décrire ont lieu lorsque les mouvemens de l’animal sont d’une véhémence extrême ; dans un temps par exemple, où une mule, attelée au brancard d’une charrette, étant trop assise sur ses jarrets, sera forcée violemment de s’acculer ; dans cette action forcée, les fibres, portées au-delà de leur état naturel, perdent leur ressort & leur jeu, les filamens nerveux sont tiraillés ; de-là l’engorgement & la douleur de la partie affectée.

Symptômes. Outre l’engorgement & la douleur du jarret, il y a quelquefois impuissance dans le mouvement ; un autre signe encore est l’inspection de la jambe ou du canon qui demeure comme suspendu, & qui ne peut se mouvoir que lorsque l’animal range sa croupe.

Traitement. Dans le commencement, les bains d’eau de rivière, lorsqu’on est à portée d’y conduire l’animal sur le champ, sont très nécessaires ; la saignée est pareillement indiquée ; mais, soit que la corde tendineuse dont nous avons parlé précédemment, soit principalement affectée, soit qu’il y ait contusion dans les ligamens antérieurs ou postérieurs de l’articulation, ou dans les ligamens capsulaires, il faut, de toute nécessité, avoir égard à l’état actuel de la partie affectée. Ainsi, lorsque la douleur & la chaleur sont vives, si l’engorgement & le gonflement sont considérables, s’ils sont accompagnés de dureté, les topiques résolutifs seront alors plutôt nuisibles que salutaires ; on doit, au contraire, avoir recours aux émolliens, dans la vue de relâcher, d’amollir les solides, & d’augmenter la fluidité des liqueurs : on emploie les topiques de deux manières ; en fomentation & en cataplasmes. Dans le premier cas, on fait bouillir manne, pariétaire, bouillon blanc dans suffisante quantité d’eau commune, & on bassine quatre fois par jour, avec une éponge, la partie malade, avec la décoction de ces plantes. Dans le second, on prend les feuilles bouillies & réduites en pulpes de ces mêmes plantes, on les fixe sur le mal par un bandage convenable, & on arrose de temps en temps l’appareil avec cette même décoction. L’inflammation, la douleur ayant diminué, & le gonflement étant ramolli, on mêle les résolutifs aux émolliens, en faisant bouillir avec les plantes émollientes quelques herbes aromatiques, telles que l’absinthe, la sauge, l’origan, &c. on agit de même, &, après quelques jours de ce traitement, on supprime en entier les émolliens pour ne se servir que des plantes aromatiques qu’on abandonnera également dans la suite, pour n’employer que des remèdes plus forts & plus capables d’opérer la résolution, tels que les frictions d’eau-de-vie ou d’esprit de vin camphré.

Effort de boulet. (Voyez Entorse) Effort du bas ventre. Ce n’est autre chose qu’une tumeur œdémateuse qui se forme sous le ventre de l’animal, par un épanchement de sérosité dans le tissu cellulaire de cette partie : quant aux causes de cet accident, & au traitement qui lui convient, voyer Œdème sous le ventre M. T.