Cours d’agriculture (Rozier)/AMMONIAC

Hôtel Serpente (Tome premierp. 506-508).


AMMONIAC. Sous ce mot on distingue deux substances utiles en médecine, & la dernière sur-tout l’est beaucoup pour les arts. Il y a la gomme & le sel ammoniac.

1o. De la gomme ammoniaque. Cette gomme-résine est produite par une plante qu’on soupçonne être de la famille des ombellifères. Elle croît, dit-on, dans la Lybie. La gomme coule naturellement de l’incision qu’on fait à la plante, ainsi qu’on le pratique pour le galbanum, l’assa fœtida, le sagapenum, &c. On devroit essayer ces incisions sur les panais, les carottes, les artichaux ; on en retireroit des substances de même nature à peu près. L’odeur de cette gomme-résine est aromatique, médiocrement forte, d’une saveur amère, légérement âcre & nauséabonde ; jaune & blanchâtre par intervalle, soluble en plus grande quantité dans l’eau que dans l’esprit-de-vin, entiérement soluble dans les jaunes d’œuf & la bile.

Propriétés. Elle fait expectorer & diminue l’oppression dans la toux catarrhale, l’asthme pituiteux, la phthisie pulmonaire essentielle récente, avec peu de fièvre & de toux. Elle échauffe, réveille l’appétit affoibli par des humeurs séreuses ou pituiteuses ; cause souvent des rapports, & tient le ventre libre. À haute dose, elle purge légérement & donne des coliques. Elle est indiquée dans la jaunisse par obstruction des vaisseaux biliaires, sans douleur à la région épigastrique. On la recommande pour les tumeurs du foie, ou de la ratte ou du mésentère, lorsqu’elles sont douloureuses & récentes ; dans la gonorrhée vénérienne, lorsque le virus est corrigé par le mercure & l’inflammation calmée. Intérieurement & extérieurement, elle tend à combattre quelquefois avec succès les tumeurs des testicules, des aines, des aisselles, du col, dures, peu sensibles, essentielles, ou provenant d’un virus scrophuleux. Souvent elle favorise la résolution des tumeurs vénériennes des testicules pendant & après l’administration du mercure.

Usages. On la donne depuis dix grains jusqu’à une drachme, incorporée avec du sirop ou du miel, ou en solution dans un jaune d’œuf. On en fait un vin appelé vin de gomme ammoniaque. Deux onces de cette gomme pulvérisée, jetées dans du vin généreux, & tenues en digestion à la chaleur d’une étuve pendant dix à douze jours, forment ce vin. La dose est depuis demi-once jusqu’à trois onces par jour. Pour en composer un onguent, on pulvérise deux onces de cette gomme, & on la broye avec des jaunes d’œuf ou avec la bile, le vinaigre, l’eau-de-vie, l’eau-de-vie saturée de savon, suivant l’indication des espèces de tumeurs où il convient de l’appliquer.

2o. Du sel ammoniac. C’est un objet de commerce très-considérable. On le trouvoit anciennement dans la Lybie & dans le voisinage du temple de Jupiter Ammon, où l’on prétendoit qu’il étoit formé de l’urine des chameaux, cuite & digérée par le soleil. Cette origine n’est peut-être pas chymérique, puisque le sel marin est très-abondant dans toutes les terres de ce pays, & que l’alcali volatil qui se forme dans l’urine lorsqu’elle entre en putréfaction, & lorsqu’il se combine avec l’acide du sel marin, peut produire le sel ammoniac.

Le sel ammoniac, qu’on apporte d’Égypte, est l’ouvrage de l’art. On le retire dans ce pays de la suie de bouse de vaches, qu’on brûle faute de bois.

Le sel ammoniac se sublime naturellement à travers les fentes des soufrières de Pouzzole en Italie, à la Solfatare, aux bains de S. Martin.

C’est un sel neutre composé d’alcali volatil & d’acide marin, se cristallisant en forme de barbe de plume, blanc, demi-transparent, volatil à un certain degré de chaleur dans les vaisseaux clos, se dissipant à l’air libre par l’action du feu, très-soluble dans l’eau, dont il augmente le froid pendant sa dissolution ; déliquescent dans les endroits humides, d’une saveur âcre & légérement nauséabonde. Les cristaux, en forme de barbe de plume, ont la propriété d’être pliés comme une lame de plomb, & sans se rompre. Ce caractère distingue les sels ammoniacaux de tous les autres. Ce sel est en forme de pain dans le commerce, & on doit choisir celui qui est le moins noir en dessous.

Propriétés. Il irrite la bouche & l’œsophage, accroît la chaleur de tout le corps, augmente la transpiration insensible, quelquefois jusqu’à faire suer, si on favorise la sueur par les vêtemens & le repos ; souvent il excite le cours des urines ; rarement il purge, à quelque dose qu’il soit prescrit. On est incertain s’il est utile dans le rhumatisme occasionné par des humeurs séreuses & dans l’asthme pituiteux ; s’il rend l’action du kina plus sûre & plus prompte pour détruire les fièvres intermittentes ; s’il corrige les mauvais effets du sublimé corrosif employé pour les maladies vénériennes & pour les maladies cutanées ; enfin, s’il jouit lui-même de la faculté antivénérienne.

Usages. La dose du sel ammoniac purifié est depuis dix grains jusqu’à une drachme dans quatre onces d’un vésicule aqueux ; & pour l’animal, depuis deux drachmes jusqu’à demi-once. On l’emploie pour lui dans les colyres, dans les gargarismes, dans les lotions, dans les boissons, &c.

3o. Du sel volatil ammoniac. On trouve dans les boutiques différentes préparations faites avec le sel ammoniac. Les effets de celui-ci sont d’augmenter ceux de la transpiration insensible, de provoquer la sueur, de ranimer puissamment les forces vitales, de beaucoup échauffer, de porter sur la poitrine, jusqu’à exciter une toux plus ou moins vive chez les personnes délicates. Il est indiqué dans l’asthme pituiteux, dans la toux catarrale, dans l’apoplexie légère & séreuse, dans l’apoplexie pituiteuse, la paralysie pituiteuse, la gangrène humide par infiltration, l’asphixie des noyés, la syncope par les passions de l’ame, la syncope par de grandes évacuations, l’épilepsie séreuse, & intérieurement & extérieurement contre la morsure des vipères. On doit cette dernière découverte au célèbre M. de Jussieu.

L’esprit volatil de sel ammoniac dulcifié agit extérieurement avec plus de force que l’alcali volatil fluide ou concret, dans les maladies où il faut promptement ranimer les forces vitales.

Le sel alcali volatil fluide de sel ammoniac se donne depuis trois grains jusqu’à une demi-drachme, dans quatre onces de véhicule aqueux. Pour conserver tous les sels volatils, il faut avoir des flacons de cristal, dont le bouchon soit usé à l’émeri, afin qu’ils bouchent exactement.

L’esprit volatil de sel ammoniac dulcifié ; on le présente sous le nez des personnes attaquées de foiblesses. On doit le prescrire très-rarement pour l’intérieur. Sa dose est depuis deux grains jusqu’à une demi-drachme dans quatre onces de véhicule aqueux.

Le sel alcali volatil concret se donne depuis trois grains jusqu’à une demi-drachme, incorporé dans une suffisante quantité de sirop & le double de son poids de sucre, ou en solution dans quatre onces de véhicule aqueux.

Le sel alcali volatil aromatique, depuis trois grains jusqu’à une drachme.

Le sel volatil d’Angleterre, à la même dose que le sel volatil concret. (Voyez le § IV, de l’alcali volatil, pag. 388.)