NRF – Gallimard (p. 11-12).

PRÉFACE DE LA SECONDE ÉDITION

(1920)

Je me décide après huit ans d’attente à réimprimer ce petit livre. Il parut en 1911, tiré à douze exemplaires, lesquels furent remisés dans un tiroir — d’où ils ne sont pas encore sortis.

Le Corydon ne comprenait alors que les deux premiers dialogues, et le premier tiers du troisième. Le reste du livre n’était qu’ébauché. Des amis me dissuadaient d’achever de l’écrire. « Les amis, dit Ibsen, sont dangereux non point tant par ce qu’ils vous font faire, que par ce qu’ils vous empêchent de faire. » Les considérations que j’exposais dans ce petit livre me paraissaient pourtant des plus importantes, et je tenais pour nécessaire de les présenter. Mais j’étais d’autre part très soucieux du bien public, et prêt à celer ma pensée dès que je croyais qu’elle pût troubler le bon ordre. C’est bien aussi pourquoi, plutôt que par prudence personnelle, je serrai Corydon dans un tiroir et l’y étouffai si longtemps. Ces derniers mois néanmoins je me persuadai que ce petit livre, pour subversif qu’il fût en apparence, ne combattait après tout que le mensonge, et que rien n’est plus malsain au contraire, pour l’individu et pour la société, que le mensonge accrédité.

Ce que j’en dis ici, après tout, pensais-je, ne fait point que tout cela soit. Cela est. Je tâche d’expliquer ce qui est. Et puisque l’on ne veut point, à l’ordinaire, admettre que cela est, j’examine, je tâche d’examiner, s’il est vraiment aussi déplorable qu’on le dit — que cela soit.