Correspondance de Voltaire/1773/Lettre 8911

8911. — À M. LE CONSEILLER TRONCHIN[1].
Ferney, 16 auguste.

Si le vieux malade de Ferney pouvait avoir un rayon de santé, il ne répondrait pas aux vers flatteurs de M. Soufflot[2] en simple prose ; s’il pouvait sortir, il irait aux Délices rendre ses devoirs à M.et à Mme Tronchin, et à M. Soufflot ; s’il s’avisait jamais de vivre l’âge de M. Jean Causeur[3], il prierait alors M. Soufflot ou Mme Tronchin de vouloir bien lui faire son épitaphe.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Soufflot, intendant des bâtiments du roi, architecte du Panthéon, étant venu voir le conseiller Tronchin aux Délices, y coucha dans le lit qu’avait occupé Voltaire. Il fit à cette occasion les vers suivants :

    Dans ton lit, en rêvant, je me suis cru poète,
    J’ai cru sentir du ciel l’influence secrète ;
    Mais, prêt à te chanter, s’éveillant en sursaut,
    Le pauvre chantre est tombé de son haut.
    De rien faire éveillé j’ai perdu l’espérance ;
    Et cependant en vers contre toute apparence,
    Mon cœur m’a dicté ce souhait
    Pour mettre au bas de ton portrait :
    Il parut, nouvel astre, au siècle du génie,
    Il éclaira celui de la philosophie ;
    Parques, filez pour lui les jours de Jean Causeur ;
    À trois siècles, pour vous, il aura fait honneur.

  3. Boucher aux environs de Brest, âgé de plus de cent ans. (A. F.)