Correspondance de Voltaire/1772/Lettre 8549

Correspondance : année 1772GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 48 (p. 99-100).
8549. — À M. LE COMTE DE ROCHEFORT[1].
23 mai.

Je n’ai point vu mon cher Wagnière depuis quinze jours ; je ne puis écrire de ma très-languissante main ; et quoique ma tête fasse des Bégueules, mes trois doigts me refusent le service. Mon cœur est encore plus jeune que ma tête ; et Mme Dixhuitans (qui sera toujours pour moi Mme Dixhuitans) sera toujours dans ce cœur, qui en a près de quatre-vingts, aussi bien que son très-aimable mari. Je m’intéresse même encore à notre pauvre Académie, comme si j’étais dans la force de l’âge. Je n’écris guère à M. d’Alembert, ne pouvant et même n’osant écrire à personne, parce que je sais qu’il y a des malins qui font des procès sur un mot : je me contente de faire des vœux pour le retour de la paix et du bon goût.

Si jamais, monsieur, vous allez faire un petit tour chez madame votre mère[2], j’espère avoir l’honneur de vous faire ma cour sur la route ; alors je parlerai autant que j’écris peu. Je crois vous avoir mandé que j’avais reçu la rescription ; mais je crois vous avoir mandé aussi que je n’avais jamais reçu la lettre que vous annoncez pour moi à M. Christin, lettre dans laquelle vous vous trompiez en prédisant l’avenir.

Je ne connais que le présent ; encore ne le connais-je guère.

Je ne réponds que des sentiments qui m’attachent à vous deux.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. La comtesse de Saint-Point.