Correspondance de Voltaire/1772/Lettre 8515

8315. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
6 avril.

Mes anges sauront que j’épuise tout mon savoir-faire à suspendre l’édition[1] de la tragédie de notre jeune avocat. Je crois que j’y parviendrai ; mais je me flatte que le quinqué, en considération de mes services, pourra faire passer, à la rentrée, le bonhomme Teucer subrogé aux droits des Guèbres : car il me semble qu’on peut céder son droit à qui on veut, et que le tripot est le maître de substituer Crétois à Guèbres, en changeant gué en cré, et bres en tois.

De plus, je ne doute pas que mon avocat, qui plaide pour rien, ne donne à Teucer et à la demoiselle Astérie[2] les émoluments de sa drôlerie. Ils pourraient, sur ce pied-là, s’obstiner à dire : Nous voulons faire le voyage de Crète avant le voyage d’Espagne[3]. Don Pèdre se soutiendra toujours par lui-même, mais Teucer a besoin d’un temps favorable. Si cette négociation est trop difficile, il faudrait du moins être sûr qu’il n’y aurait point d’intervalle entre l’Espagne et la Crète. L’avocat demande votre avis sur ce point de droit, comme à un fameux jurisconsulte. Vous savez de quelle docilité il a été dans son factum, et il espère surtout qu’un ancien conseiller de grand’chambre lui sera favorable dans cette conjoncture critique.

Voilà tout ce qu’il peut dire à présent pour sa cause.

Signé : maître DURONCEL, avocat ; l’Ouvreur de loge, procureur ;
monsieur D…, rapporteur ; monsieur de T…, solliciteur.


  1. Celle que Rosset faisait à Lyon ; vovez No 8538.
  2. D’après la [[|lettre 8537]], on peut croire que c’était Mlle Vestris qui devait remplir le rôle d’Astérie dans la tragédie des Lois de Minos.
  3. C’est-à-dire faire jouer les Lois de Minos avant Don Pèdre, tragédie qui n’a pas été représentée, et que l’auteur fit imprimer à la fin de 1774 ; voyez tome VII, page 239.