Correspondance de Voltaire/1771/Lettre 8429

Correspondance de Voltaire/1771
Correspondance : année 1771GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 47 (p. 563-564).
8429. — À STANISLAS-AUGUSTE PONIATOWSKI,
roi de pologne.
À Ferney, 6 décembre.

Sire, permettez à mon sincère attachement pour votre personne, pour votre cause, pour vos vertus, de dire encore un mot à Votre Majesté.

Tous les papiers publics disent que Kosinski[1] avait fait serment à la sainte Vierge, ainsi que les autres conjurés, de consommer leur attentat sacrilège. Je respecte fort la sainte Vierge ; je suis seulement fâché que Poltrot, Jean Châtel, Ravaillac, Damiens, le révérend père Malagrida, etc., etc., aient eu tant de religion.

Oserais-je demander à Votre Majesté s’il n’est pas vrai que votre aspect, vos discours, le souvenir de vos vertus, enfin l’humanité, aient réveillé dans le cœur de l’assassin les sentiments naturels que la dévotion à la sainte Vierge avait un peu endormis ? La religion avait part au crime, et la nature l’a empêché.

Au reste, on est persuadé que cette horreur tournera à votre avantage. Le bien sort du mal comme les moissons viennent de la fange. Il sera désormais trop honteux d’être rebelle. Les confédérés eux-mêmes vous aimeront comme tous les esprits bien faits de l’Europe vous aiment.

Si Votre Majesté daigne répondre en deux lignes à ma question, je la supplie d’adresser sa lettre à Genève.

Je suis avec le plus profond respect, et avec un attachement qui redouble tous les jours, sire, de Votre Majesté, etc.

  1. Voyez tome XX, page 451.