Correspondance de Voltaire/1771/Lettre 8305

Correspondance : année 1771GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 47 (p. 449-450).
8305. — À M. L’ABBÉ DE CRILLON[1].
14 juin.

« Il est honteux à l’homme de mettre l’humanité au nombre des vertus ; elle est moins son attribut que son essence ; être homme et ne pas être humain, c’est exister contre les lois de la nature.

« Marc-Aurèle, Titus, ces hommes plus grands que les dieux qu’ils adoraient, faisaient les délices du monde. »

Voilà des traits, monsieur, qui font voir que vous pensez avec la même grandeur d’âme que le brave Crillon combattait. Je vous ai une double obligation d’avoir fait cet ouvrage, et de m’avoir honoré d’un exemplaire.

Si vous aviez suivi la profession des armes, vous seriez un guerrier très-généreux. Vous avez suivi celle du sacerdoce, vous êtes compatissant, indulgent et tolérant. Vous regardez Dieu comme le père de tous les hommes ; il y a plus de soixante ans que j’ai la même foi que vous, mais je ne l’ai jamais trouvée si bien expliquée que dans votre ouvrage.

J’ai l’honneur d’être, avec l’estime la plus respectueuse et avec bien de la reconnaissance, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.

Voltaire.

  1. Athanase Berton de Crillon, né à Avignon en 1726, mort le 26 juin 1789, avait envoyé à Voltaire son ouvrage De l’Homme moral, 1771, in-8°. Ce sont les deux premiers alinéas du chapitre 111, page 22, qui forment les deux alinéas guillemetés de la lettre de Voltaire.