Correspondance de Voltaire/1771/Lettre 8303

Correspondance : année 1771GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 47 (p. 448).
8303. — À MADAME ***
À Ferney, ce 12 juin.

Mes yeux ont bien de l’obligation aux vôtres : vous avez senti tout ce qu’ils perdaient quand vous daignâtes passer chez ce pauvre aveugle. Si vous aviez aussi quelque recette pour les oreilles, vous l’auriez très-bien placée. Le plaisir de vous entendre vaut celui de vous voir ; mais à mon âge il n’y a plus de plaisirs : je suis comme ce pauvre homme qui disait à Mme la duchesse de Longueville qu’il avait perdu les joies de ce monde ; il ne me reste de moyen, pour revenir au monde, que de venir vous faire ma cour, madame, et à monsieur votre frère ; je crois que je serais à Parme, sans l’Inquisition, dont l’ombre me fait toujours peur.

J’ai l’honneur d’être sur le mont Jura, comme je le serais sur le Pô, avec bien du respect, votre très-humble et très-obéissant serviteur.

Voltaire.