Correspondance de Voltaire/1771/Lettre 8215

Correspondance : année 1771GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 47 (p. 360-361).
8215. — À M. LE MARQUIS DE THIBOUVILLE.
20 février.

Le pauvre malade dira en deux mots à M. Baron[1] que s’il a eu le diable au corps, il prétendait bien aussi le faire entrer dans celui d’Atrée. Il le supposait à la fin agité des furies. Il croit qu’il n’y a pas d’autre moyen de se tirer de là. Il est fort aisé de substituer quelques vers à ceux qui finissent la pièce ; mais je pense qu’il ne faut jamais rien étriquer : c’est un des plus horribles défauts de ce siècle, à mon gré. Je prétends qu’on doit finir par ce qu’on appelle des fureurs : c’est un châtiment des dieux, et Atrée mérite certainement punition.

Pour madame la mère, je crois qu’il serait très-ridicule de la faire tuer. On ne doit multiplier ni les morts ni les êtres sans nécessité. Il n’est pas trop aisé de donner aux deux Atrée le temps de saigner l’enfant. Cependant la nourrice peut dire qu’elle a été poursuivie par des soldats, et qu’elle a été obligée de prendre son plus long. Le malade aura soin de tout cela, s’il peut recouvrer un peu de santé. Il est aveugle, il a la goutte, il n’en peut plus. Il demande à M. Baron et aux anges le plus profond secret. On travaillera, vous dis-je. Il est juste de dessiller les yeux d’un certain public sur le compte d’un certain Vandale[2].

Ne s’amuse-t-on pas à Paris tout comme si de rien n’était ? N’est-ce pas là le génie welche ? M. Baron est prié de nous le mander cela est important.

Vraiment oui ; attendez-vous que Mme Denis écrive !

  1. Voyez lettre 8170.
  2. Crébillon, qu’ailleurs Voltaire appelle le barbare ; voyez tome X, page 129.