Correspondance de Voltaire/1770/Lettre 8038

Correspondance : année 1770GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 47 (p. 212).
8038. — À M. DORAT[1].
Ferney, 1er octobre.

Je vous dois, monsieur, autant de remerciements que d’éloges ; les sentiments dont vous m’honorez, et les vers charmants que vous avez faits pour M. Diderot, pénètrent mon cœur. Les journaux sont enrichis par de telles pièces, qui manifestent la générosité de votre âme autant que vos talents ; ils seraient déshonorés par le nom de Fréron. L’union entre les véritables gens de lettres n’a jamais été si nécessaire.

C’est uniquement pour ériger un monument de cette union que les personnes du plus rare mérite, au nombre desquelles vous êtes, ont voulu employer le ciseau de M. Pigalle. Je n’ai été que leur prête-nom ; ils ont fait voir à l’Europe qu’ils sont unis, et qu’ils pensent avec noblesse. Par là ils se sont mis au-dessus de ceux qui veulent les abaisser ; et ils se rendent respectables, malgré tous les efforts qu’on fait contre eux. Les places de l’Académie deviennent de jour en jour plus précieuses et plus dignes des principaux citoyens de Paris, qui joignent le mérite personnel à celui de leur famille. Dans cette situation où sont aujourd’hui les lettres, c’est une grande consolation pour moi, monsieur, de pouvoir déjà compter parmi mes amis un homme dont les talents et les grâces m’avaient fait tant de plaisir avant que je fusse à portée de connaître ses qualités essentielles.

J’ai l’honneur d’être, etc.

P. S. Permettez-moi de présenter mes très-humbles obéissances à M. de Pezay, qui doit partager tous les tributs d’estime que je vous dois.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.