Correspondance de Voltaire/1770/Lettre 8034

Correspondance : année 1770GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 47 (p. 209).
8034. — À M. DE LA HARPE[1].
27 septembre.

Vous ne m’aviez point dit, mon cher Suétone[2], que je dusse envoyer les deux tomes à M. Suard ; j’en dépêche un, et vous renvoie l’autre ensuite par la même voie. Je suis bien sûr que vous réussirez en prose et en vers ; vous avez ce qui manque à presque tous les écrivains de ce siècle, justesse d’esprit, goût et style naturel, avec l’art de vous exprimer avec force sans faire de contorsions.

Il est vrai que dans une lettre à Mme la duchesse de Choiseul je glissai quelques vers, où je lui disais tout ce que je pense de vous ; j’en cherche la minute, et je ne puis la retrouver. Je suis plus zélé pour mes amis que je ne suis soigneux.

M. d’Alembert est à Ferney ; il m’a mis au fait de tout. Il me semble qu’on traite les gens de lettres comme du temps où on les prenait pour des sorciers. Il faut espérer que la raison, qui fait tant de progrès, en fera aussi sur certaines choses.

Comptez sur les sentiments du vieux malade, qui vous embrasse de tout son cœur.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Les Douze Césars, traduits par La Harpe, venaient de paraître.