Correspondance de Voltaire/1769/Lettre 7663

7663. — À M. LE MARÉCHAL DUC DE RICHELIEU[1].
Ferney, 13 septembre.

En voici bien d’une autre, monseigneur ; M. de Ximenès me mande que vous avez la bonté de faire jouer à Fontainebleau les Guèbres. Je prends donc la liberté de vous les envoyer, quoiqu’ils me soient dédiés.

Vraiment, je vous serais très-obligé si, au lieu de Tancrède ou de Mérope, qu’on connaît assez, on jouait les Guèbres et les Scythes, qu’on ne connaît point. Cela mettrait, ce me semble, plus de vivacité dans vos amusements de Fontainebleau ; et ce serait pour moi une grande consolation et beaucoup d’honneur de contribuer un moment à vos plaisirs.

si vous avez lu l’Histoire du Parlement, vous avez trop de pénétration et de goût, avec trop de connaissance du temps présent, pour ne pas vous apercevoir que ces chapitres ne sont pas de la même main qui a écrit les premiers. Presque toutes les anecdotes sont fausses. On a pris le conseiller Vesigny pour le vieux président de Nassigny. On suppose que tous ceux qui ont assisté au procès de Damiens ont eu des pensions, ce qui est également faux et ridicule. D’ailleurs, ces chapitres sont écrits très-grossièrement, et avec une impropriété de langage qui révolte.

Vous savez quel brigandage a régné dans la campagne des Indes et au Canada ; il n’y en a pas moins dans la république des lettres. Voilà ce qui m’avait déterminé à sortir de France, et si j’y suis rentré, ce n’est pas bien avant. Vos bontés me consolent de tout.

Agréez le tendre respect de votre vieux serviteur, qui sera pénétré pour vous tant qu’il vivra de son inutile et inviolable attachement.

  1. Éditeurs, Cayrol et François.