Correspondance de Voltaire/1766/Lettre 6367

Correspondance : année 1766GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 44 (p. 310-311).

6367. — À CATHERINE II[1].
impératrice de russie.
À Ferney, par Genève, 21 juin 1766.

Madame, c’est maintenant vers l’étoile du Nord qu’il faut que tous les yeux se tournent. Votre Majesté impériale a trouvé un chemin vers la gloire, inconnu avant elle à tous les autres souverains. Aucun ne s’était avisé de répandre des bienfaits à sept ou huit cents lieues de ses États. Vous êtes devenue réellement la bienfaitrice de l’Europe, et vous avez acquis plus de sujets par la grandeur de votre âme que d’autres n’en peuvent conquérir par les armes.

Il y a peut-être de l’indiscrétion à oser implorer la protection de Votre Majesté pour les Sirven, après les bontés dont elle a comblé la famille Calas. Je sais ce que Votre Majesté fait de grand et d’utile pour ses peuples. Ce serait se rendre coupable envers eux que de vous supplier de détourner pour une malheureuse famille du Languedoc une partie de la source des biens que vous répandez en Russie. Je ne prends la liberté de vous écrire, madame, que pour vous prier de modérer vos bontés. Le moindre secours nous suffira. Nous ne demanndons que l’honneur de placer votre auguste nom à la tête de ceux qui nous aident à écraser le fanatisme et à rendre les hommes plus tolérants et plus humains.

J’ai une autre grâce à demander à Votre Majesté, c’est de daigner permettre que je communique le mémoire dont elle m’a honoré au sujet de cet évêque de Rostow[2] puni pour avoir imaginé qu’il y avait deux puissances. Il n’y en a qu’une, madame, et c’est celle qui est bienfaisante.

Je suis avec le plus profond respect et la plus vive reconnaissance, madame, de Votre Majesté impériale le très-humble, très-obéissant et très-obligé serviteur.


Voltaire.

  1. Collection de Document, Mémoires et Correspondances relatifs à l’histoire de l’empire de Russie, tome X, page 95.
  2. Voyez la note de la page 195.