Correspondance de Voltaire/1766/Lettre 6368


6368. — À FRÉDÉRIC,
landgrave de hesse-cassel.
Ferney, 21 juin.

Monseigneur, les maladies qui persécutent ma vieillesse sans relâche m’ont privé longtemps de l’honneur de renouveler mes hommages à Votre Altesse sérénissime. Souffrez que l’amour de la justice et la compassion pour les malheureux m’inspirent un peu de hardiesse. Ce sont vos propres sentiments qui encouragent les miens. J’ai pensé qu’un esprit aussi philosophique que le vôtre, et un cœur aussi généreux, protégeraient une cause qui est celle du genre humain.

Permettez, monseigneur, que votre nom soit publié au premier rang de ceux qui auront daigné aider les défenseurs de l’innocence à la secourir contre l’oppression. Les bienfaiteurs de l’humanité doivent être connus. Leur nom sera cher à tous les esprits tolérants et toutes les âmes sensibles.

Je suis persuadé que Votre Altesse sérénissime sera touchée après avoir lu seulement la page qui expose le malheur des Sirven. Plusieurs personnes se sont réunies dans le dessein de poursuivre cette affaire comme celle des Calas. Nous ne demandons qu’un léger secours. Nous savons que vos sujets ont le premier droit à vos générosités. La moindre marque de vos bontés sera précieuse. Que ne puis-je les venir implorer moi-même, et être témoin du bonheur qu’on goûte dans vos États ? Je suis réduit à ne vous présenter que de loin le profond respect et le dévouement inviolable avec lequel je serai jusqu’au dernier moment de ma vie, etc.