Correspondance de Voltaire/1766/Lettre 6346

Correspondance : année 1766GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 44 (p. 294-295).

6346. — À M. DAMILAVILLE.
21 mai.

En réponse à votre lettre du 15, mon cher ami, je vous dirai que je viens de lire l’article dont vous m’avez parlé. Tout mon petit troupeau et moi, nous en sommes transportés. J’ai fait l’acquisition, dans mon bercail, d’un jeune avocat qui est notre bailli, et qui est homme à plaider vigoureusement contre les intolérants.

Le buste en ivoire[1] d’un homme très-tolérant partit à votre adresse le 13 de ce mois. Il est vrai que c’est un vieux et triste visage, mais ce morceau de sculpture est excellent.

Je ne sais si vous avez lu une Vie de Henri IV, par un M. de Bury, qui s’est avisé, je ne sais pourquoi, de comparer notre héros à Philippe, roi de Macédoine, auquel il ne ressemble pas plus qu’à Pharaon. Je vous ai déjà dit que cet homme s’était déchaîné dans sa préface contre le président de Thou. Nous avons trouvé un vengeur[2] : un de mes amis s’est chargé de la cause de de Thou contre Bury. Il a inséré dans cette défense quelques anecdotes assez curieuses. Je crois que cet ouvrage peut s’imprimer à Paris. Je le ferai transcrire, je vous l’enverrai, et vous en pourrez gratifier l’enchanteur Merlin.

Je n’ai point encore pu parvenir à me procurer un exemplaire du Philosophe ignorant[3]. On dit qu’il est imprimé à Londres. Dès que je l’aurai, je ne manquerai pas de vous le faire parvenir.

Les tracasseries de Genève continuent toujours ; je crois qu’on ne s’en soucie guère à Paris, et je commence à ne m’en plus soucier du tout. Genève est une grande famille qui faisait fort mauvais ménage, et à qui le roi a fait beaucoup d’honneur en daignant lui envoyer un plénipotentiaire ; mais il sera aussi difficile d’inspirer la concorde aux Genevois que de remplacer Mlle Clairon à Paris.

Croyez-vous qu’en effet Mme Calas vienne faire un tour à Genève ? Voici un petit mot pour son défenseur et celui de Sirven. Nos pauvres Sirven trouveront la pitié du public bien épuisée ; mais enfin nous serons contents si nous obtenons quelque justice. Ayez encore la bonté de faire tenir cet autre billet à Dumolard[4].

J’attends les mémoires pour et contre Lally, et le factum pour M. de La Luzerne. J’attends surtout le Fréret[5] dont vous m’avez tant parlé.

Votre amitié sert, dans toutes les occasions, à la consolation de ma vie. Vous ne sauriez croire à quel point je vous regrette.

  1. Voyez la lettre 6249.
  2. Voltaire lui-même, dans son opuscule intitulé le Président de Thou justifié ; voyez tome XXV, page 477.
  3. Voyez tome XXV, pages 46-96.
  4. Il manque.
  5. Voyez une note sur la lettre 6306.