Correspondance de Voltaire/1766/Lettre 6347

Correspondance : année 1766GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 44 (p. 295-296).

6347. — À M.  ÉLIE DE BEAUMONT[1].
21 mai.

Mon cher Cicéron, je suis pénétré de vos attentions, et très-affligé de la maladie que vous avez essuyée. Je vous félicite de n’avoir point été chargé de la cause de Lally, qui a été si malheureuse. Vous n’êtes fait que pour les triomphes.

J’augure très-bien du procès de M.  de La Luzerne, puisque vous l’avez entrepris ; quant à celui des Sirven, le mémoire paraîtra toujours assez tôt pour faire un très-grand effet dans le public. Ce public est toujours juge en première et dernière instance. Un mémoire attachant, éloquent, bien raisonné, le persuade ; et quand le cri public s’élève et persévère, il force les juges à faire justice. D’ailleurs, ce mémoire pour les Sirven ne se borne pas à une seule famille ; tous les pères de famille y sont intéressés ; c’est la cause de la nation, c’est celle de la tolérance, c’est le combat de la raison contre le fanatisme. Vous écrasez la dernière tête de l’hydre. Enfin je suis toujours persuadé que votre factum mettra le sceau à la grande réputation que vous vous êtes déjà faite. Je ne sais quel sentiment m’intéresse davantage, ou la pitié pour les Sirven, ou mon zéle pour votre gloire.

Mille respects à votre illustre et aimable compagne.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.