Correspondance de Voltaire/1766/Lettre 6345
Venez, monsieur, reconnaître au plus tôt les lieux que vous voulez embellir. Voilà le premier moment où le pays de Gex a des feuilles et des fleurs. L’air qu’on y respire est plus doux que celui de Genève.
Mettez-moi, je vous en supplie, aux pieds de monsieur l’ambassadeur ; je m’informe tous les jours de sa santé ; et puisque la nature, qui me persécute, ne veut pas que je lui fasse ma cour à Genève, j’espère qu’il ne partira pas sans daigner venir encore prendre l’air dans nos hameaux, et les honorer de sa présence.
Gardez-vous bien (si vous m’aimez) de m’oublier auprès de M. le chevalier de Taulès.
J’ai déjà fait usage de la singulière anecdote que je lui dois touchant l’étonnant traité de Léopold avec Louis XIV, que j’aurais toujours ignoré sans lui[1]. Si sa belle mémoire veut encore m’aider, le siècle de Louis XIV ne s’en trouvera pas plus mal. Je ne me mêle, Dieu merci, que des affaires du temps passé, et je laisse là le siècle présent pour ce qu’il vaut. Je ne prends point la liberté d’écrire à monsieur l’ambassadeur sur sa santé ; je m’adresse à vous pour en savoir des nouvelles. Ma nièce, qui alla ces jours passés lui présenter ses hommages et les miens, m’assure qu’il sera bientôt en état de sortir.
Adieu, monsieur : toute ma petite famille vous embrasse bien tendrement, et soupire comme moi après le bonheur de vous voir. V.
- ↑ Il s’agit, ici d’un traité de partage de la monarchie espagnole, fait en très-grand secret par Louis XIV et l’empereur Léopold, dès les premières années du règne de Charles II. Voyez le Siècle de Louis XIV, chapitre viii. (Note de Hennin fils.)