Correspondance de Voltaire/1765/Lettre 5931

Correspondance : année 1765GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 43 (p. 480-481).

5931. — À M. DAMILAVILLE.
À Ferney, 4 mars.

Mon cher frère, je crois que je ne pourrai faire partir la réponse de M. Tronchin que mercredi 6 de ce mois. Je serai bien étonné s’il vous ordonne autre chose que des adoucissants et du régime ; mais ce qui est sûr, c’est qu’il s’intéressera bien vivement à votre santé. Il est philosophe, et il sait que vous l’êtes. Nous sommes tous frères. Saint Luc était le médecin des apôtres, et Tronchin est le nôtre, il me semble toujours que c’est une extrême injustice, dans le meilleur des mondes possibles, que je ne vous connaisse que par lettres. Je vous assure que, si je pouvais m’échapper, je viendrais faire une petite course à Paris incognito, souper trois ou quatre fois avec vous et les plus discrets des gens de bien, et m’en retourner content.

J’ai vu quelques échantillons de la pièce dont vous me parlez[1]. Apparemment que l’on n’a pas choisi ce qu’il y a de meilleur, et que le nouvelliste n’est pas l’intime ami de l’auteur. Je m’intéresse fort à son succès : c’est un homme de mérite, et qui n’est pas à son aise.

Le Destruction doit arriver bientôt : faites bien mes compliments, je vous prie, au destructeur, et encouragez-le à détruire. On m’a parlé d’un manuscrit de feu l’abbé Bazin, intitulé la Philosophie de l’Histoire, dans lequel l’auteur prouve que les Égyptiens, et surtout les Juifs, sont un peuple très-nouveau. On dit qu’il y a des recherches très-curieuses dans cet ouvrage. Je crois qu’on achève actuellement de l’imprimer en Hollande, et que j’en aurai bientôt quelques exemplaires. Je vous prépare une petite cargaison pour le mois de mai.

J’ai quelque espérance dans l’Histoire de la Destruction des jésuites : mais on n’a coupé qu’une tête de l’hydre. Je lève les yeux au ciel, et je crie : Écr. l’inf…

  1. Le Siège de Calais.