Correspondance de Voltaire/1765/Lettre 5930

Correspondance : année 1765GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 43 (p. 479-480).
5930. — À M.  LE DOCTEUR TRONCHIN[1].
À Ferney, 4 mars.

Mon cher Esculape, la philosophie se met entre vos mains ; le meilleur ami que j’aie parmi les philosophes vous supplie de vouloir bien donner vos avis. Il me paraît qu’il sera plus aisé à guérir que votre république.

Étendez du moins vos bontés sur mon philosophe, et conservez-moi celles dont vous m’avez toujours comblé et qui font le charme de ma vie.

P. S. Je vous envoie le livre très-chrétien[2] que vous demandez, et que les lâches ont fait brûler, à ce qu’on dit, pour faire plaisir à des fripons. Il y a un chapitre ou deux de M. Abauzit, qui est, comme vous savez, un excellent chrétien. Il y en a d’autres d’un pasteur de la sainte Église réformée. Vous avez demandé ce livre en qualité d’excellent chrétien, et moi, comme excellent chrétien, je me prive des deux seuls exemplaires que j’aie, afin de faire passer en vous la grâce qui surabonde en moi.

Je suis bien fâché qu’Esculape, Hippocrate, Asclépiade, Andronicus Musa, Celse, Galien, etc., n’aient pas été aussi d’excellents chrétiens. Car vous sentez bien qu’il est impossible d’être bon médecin sans être chrétien. Je vous embrasse le plus chrétiennement du monde.

Mes compliments, je vous prie, au bon chrétien Deluc, et à tous les saints de cette espèce.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Le Dictionnaire philosophique.