Correspondance de Voltaire/1764/Lettre 5854


5834. — AUX AUTEURS DE LA GAZETTE LITTÉRAIRE.
24 décembre.

Vous rendez tant de justice, messieurs, aux ouvrages qu’on fait que j’ose vous prier de la rendre à ceux qu’on ne fait point. J’ai appris dans ma retraite que depuis plus d’un an on imprime sous mon nom, dans les pays étrangers, des écrits auxquels je n’ai pas la moindre part. J’ignore si je dois cet honneur à la malignité d’un éditeur, ou à l’intérêt très-mal entendu d’un libraire. Tout ce que je puis déclarer, c’est que je regarde comme des faussaires[1] tous ceux qui se servent ainsi d’un nom connu pour débiter des livres qui ne sont pas faits pour l’être. N’étant pas à portée de réprimer une pareille licence, je puis et je dois au moins m’en plaindre, et je m’adresse à vous, messieurs, comme à des hommes à qui l’honneur de la littérature doit être plus cher qu’à personne.

J’ai l’honneur d’être, etc.

  1. C’est peut-être cette phrase et la lettre dont elle fait partie qui sont rappelées dans la note suivante, insérée dans le Journal encyclopédique du 15 janvier 1765, page 191 :

    « L’abus qu’on fait du nom de M. de Voltaire, en le plaçant à la tête de certains ouvrages impies et scandaleux auxquels il n’a pas la moindre part, oblige ce célèbre auteur à faire déclarer publiquement qu’il « n’a aucune correspondance avec aucun libraire de l’Europe ; que quiconque se sert de son nom est un faussaire ; et qu’il s’en remet aux magistrats pour punir un tel brigandage. »