Correspondance de Voltaire/1763/Lettre 5496
Monsieur, j’ai reçu la feuillette, et je suppose qu’elle est de l’année passée, elle n’en vaudra que mieux ; au moins mon curé n’aura pas la dîme de cette feuillette, et nous la boirons toute sans lui à votre santé ; il est vrai que ce prêtre boit plus que toute notre maison ensemble. Il fait venir du vin de Champagne qu’il compte payer de notre dîme. Son maudit procureur nous persécute. J’ai supplié monsieur le premier président de vouloir bien ne nous point juger sitôt[2]. Comme il y a cent ans que ce procès dure, y aurait-il un si grand mal qu’il durât encore quelques mois de plus ? Pourriez-vous, monsieur, avoir la bonté de voir avec monsieur le premier président ce qu’il peut faire ? En attendant, qu’il prenne les arrangements qui lui conviendront le mieux avec la cour, sur cette affaire, dans laquelle Berne et Genève interviennent.
J’ai pris la liberté d’envoyer à monsieur le président et à monsieur le procureur général un petit livre que je crois fait par un huguenot, et dont on n’a tiré que trente-six exemplaires ; j’en ai attrapé deux ; si j’en avais eu un troisième il eût été pour vous : mais j’ai compté que monsieur le premier président ou monsieur le procureur général vous prêterait le sien.
Il me paraît que les jésuites restent à Besançon, Pour moi, j’en ai un qui me dit la messe, et je me flatte que le pape m’en saura fort bon gré.
J’ai l’honneur d’être, avec bien du respect, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.
Je présente mes respects à Mme Le Bault[3].