Correspondance de Voltaire/1760/Lettre 4192

Correspondance de Voltaire/1760
Correspondance : année 1760GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 40 (p. 467-468).

4192. — À M. LINANT.
18 juillet.

Il y a longtemps, monsieur, que je vous dois une réponse. Je me suis fort intéressé à Mlle Martin[1] ; mais il y a tant de gens à la foire qui s’appellent Martin, et j’ai reçu tant d’âneries de votre bonne ville de Paris, qu’il faut que vous me pardonniez de ne vous avoir pas répondu plus tôt.

On m’a envoyé les vers du Russe. Ils ne m’ont point paru mauvais pour un homme natif d’Archangel ; mais il me paraît qu’il ne connaît pas encore assez Paris. Il n’a pas dit la centième partie de ce qu’un homme un peu au fait aurait pu dire. D’ailleurs je crois qu’il se trompe sur des choses essentielles ; il appelle M. l’abbé Trublet diacre, et tout le monde prétend qu’il n’est que dans les moindres[2]. J’ai remarqué quelques bévues dans ce goût-là, mais il faut être poli avec les étrangers. On dit que maître Joly de Fleury, avocat général, portant la parole, fera un beau réquisitoire contre les Russes, attendu que M. Alethof est mort dans le sein de l’Église grecque ; mais on prétend que la chose n’aura pas de suite, parce qu’il ne faut pas déplaire à l’impératrice de toutes les Russies. Je vous prie de dire à votre pupille, de ma part, qu’il deviendra un homme très-aimable, et qu’il aura une bonne tête.

Je me jette à la tête de madame sa mère[3], pour qui j’ai le plus respectueux et le plus tendre attachement. J’ai l’honneur d’être, monsieur, de tout mon cœur, etc.

  1. Cette demoiselle est nommée dans la lettre 4055.
  2. Dans les ordres mineurs.
  3. Mme de La Live d’Épinai.