Correspondance de Voltaire/1760/Lettre 4055

Correspondance de Voltaire/1760
Correspondance : année 1760GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 40 (p. 312-313).

4055. — À M. LINANT.
Aux Délices, 22 février.

Je remercie à deux genoux la philosophe[1] qui met son doigt sur son menton, et qui a un petit air penché que lui a fait Liotard[2] ; son âme est aussi belle que ses yeux. Elle a donc la bonté de s’intéresser à notre malheureuse petite province de Gex ; elle réussira si elle l’a entrepris ; puisse-t-elle revenir avec M. Linant et le Prophète de Bohême !

J’écris, monsieur, à M. d’Argental, en faveur de Mlle Martin, ou Lemoine, ou tout ce qu’il lui plaira ; quelque nom qu’elle ait, je m’intéresse à elle. J’ai entendu parler de deux nouveaux volumes du roi de Prusse, imprimés depuis peu à Paris ; il fait autant de vers qu’il a de soldats. La police a défendu ses vers, on dit même qu’on les brûlera : cela paraît plus aisé que de le battre.

Je suis médiocrement curieux de l’éloquente Oraison[3] de M. Poucet de La Rivière[4] mais je voudrais avoir le Spartacus de M. Saurin ; c’est un homme de beaucoup d’esprit, et qui n’est pas à son aise. Je souhaite passionnément qu’il réussisse.

Vous me parlez de terribles impôts ; puissent-ils servir à battre les Anglais et les Prussiens ! Mais j’ai peur que nous n’en soyons pour notre argent.

Je présente mes obéissances très-humbles à toute la famille. Si Mme d’Épinai veut m’écrire un petit mot, elle comblera de joie un solitaire malade dans son lit. Ce malade a demandé au grand Tronchin s’il fallait s’enduire de poix-résine, comme l’ordonne Maupertuis ; il a répondu qu’il fallait attendre des nouvelles de l’Académie française.

  1. Mme d’Épinai.
  2. J.-Ét. Liotard, peintre, né à Genève en 1702, mort en 1776.
  3. L’Oraison funèbre de Louise-Élisabeth de France, infante de Parme, 1760.
  4. Voyez tome XVI, page 88.