Correspondance de Voltaire/1760/Lettre 4101

Correspondance de Voltaire/1760
Correspondance : année 1760GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 40 (p. 358-359).

4101. — À M. JEAN SCHOUVALOW.
Aux Délices, près Genève, 22 avril.

Monsieur, la personne qui est allée à Francfort-sur-le-Mein, et qui s’est chargée de s’informer de l’aventure du paquet du mois de septembre ou octobre dernier, me mande qu’on attend de Hambourg, tous les jours, une édition de l’Histoire de Pierre le Grand, sous le nom des libraires de Genève. Cette nouvelle est assez vraisemblable. Les libraires de Genève ont tiré à grands frais huit mille exemplaires de leur édition, qui leur restent entre les mains. Je fais l’impossible depuis quatre mois pour les apaiser. Je suis toujours entièrement aux ordres de Votre Excellence. Le plus grand de mes plaisirs, dans ma vieillesse, est de travailler au monument que vous érigez au plus grand homme du siècle passé. La multitude épouvantable de livres qui s’accumulent de tous côtés ne permet peut-être pas qu’on entre dans beaucoup de détails. L’esprit philosophique qui règne de nos jours permet encore moins un fade panégyrique. Le milieu entre ces deux extrémités est difficile à garder ; mais je ne désespère de rien, monsieur, quand je serai aidé de vos conseils et de vos lumières. Ce sera par votre seul moyen que je pourrai parvenir à ne blesser ni la vérité, ni la délicatesse de votre cœur, ni le goût des gens de lettres, qui seuls décident, à la longue, de la bonté d’un ouvrage. Je souhaite surtout que votre Histoire de Pierre le Grand, dans laquelle je ne suis que votre copiste, puisse servir de réponse aux calomnies répandues contre votre nation et contre votre auguste souveraine, dans le recueil qui vient de paraître. J’ai l’honneur d’être, avec le plus respectueux dévouement, etc. V.