Correspondance de Voltaire/1759/Lettre 3805
… Je ne voudrais pas que vous appelassiez libelle ce qu’on vient d’imprimer à Lausanne, et ce que j’ai lu depuis.
Il y a des disputes littéraires, il y a quelques apologies de la religion, de la Suisse et de Calvin ; il y a trop de véhémence, surtout dans les premières pièces, vis-à-vis d’un homme tel que vous ; mais le mot libelle a un autre sens.
C’était un libelle que le livre de La Mettrie : il prétendait m’avoir vu et connu ; il me prêtait, sous ce prétexte, des conversations et des connaissances honteuses pour un homme de mon âge et de ma profession. C’était d’un bout à l’autre une calomnie personnelle. Je ne m’adressai pourtant ni au roi, ni à des ambassadeurs, ni aux chefs de Berlin ; je me contentai de prier un ami commun de faire révoquer par cette tête légère des mensonges qu’il eût fallu démentir si M. de La Mettrie ne les avait désavoués ; dès lors, ce qui aurait été une anecdote aurait été une extravagance, et je n’ai jamais songé à flétrir l’indigne abus qu’on avait fait de la liberté d’écrire.
- ↑ Biographie d’Albert de Haller (2e édition), Paris, Delay, 1845. — Desnoiresterres, Voltaire aux Délices.