Correspondance de Voltaire/1759/Lettre 3806

Correspondance de Voltaire/1759
Correspondance : année 1759GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 40 (p. 61).

3806. — À M. LE MARQUIS DE THIBOUVILLE.
Au château de Tournay, par Genève, 15 mars.

J’ai lu enfin, mon cher marquis, ce Candide dont vous m’avez parlé, et plus il m’a fait rire, plus je suis fâché qu’on me l’attribue. Au reste, quelque roman qu’on fasse, il est difficile à l’imagination d’approcher de ce qui se passe trop réellement sur ce triste et ridicule globe depuis quelques années. Nous nous intéressons un peu, Mme Denis et moi, aux malheurs publics, à la persécution suscitée contre des philosophes très-estimables, à tout ce qui intéresse le genre humain ; et quand nos amis ne nous parlent que de pièces de théâtre et de romans qui nous sont parfaitement inconnus, que voulez-vous que nous répondions ? Elle dit que l’amitié doit se nourrir par la confiance, que les lettres de nos amis doivent toujours nous apprendre quelque chose. Je suis mort au monde ; il faut des élixirs pour me rappeler à la vie. Votre amitié est le meilleur de tous. L’oncle et la nièce sont également sensibles à votre mérite, et vous seront toujours très-tendrement attachés.