Correspondance de Voltaire/1755/Lettre 2990

Correspondance de Voltaire/1755
Correspondance : année 1755GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 38 (p. 439-440).

2990. — À. M. THIERIOT.
Le 23 août.

Mon ancien ami, amusez-vous tant que vous pourrez avec une Pucelle ; cela est beau à votre âge. Il y a trente ans que je fis cette folie. Je vous ai envoyé la copie que j’avais depuis dix ans. Je ne puis songer à tout cela que pour en rougir. Dites aux gens qui sont assez bons pour éplucher cet ouvrage qu’ils commencent par critiquer sérieusement frère Jean des Entommeures et Gargantua.

Quant à mes cinq magots de la Chine, je les crois très-mal placés sur le théâtre de Paris, et je n’en attends pas plus de succès que je n’attends de reconnaissance des comédiens[1], à qui j’ai fait présent de la pièce. Il y a longtemps que j’ai affaire à l’ingratitude et à l’envie. Je fuis les hommes, et je m’en trouve bien ; j’aime mes amis, et je m’en trouve encore mieux. Je voudrais vous revoir avant d’aller voir Pascal et Rameau[2], tutti quanti, dans l’autre monde.

Puisque vous voyez M. d’Argenson le philosophe[3], présentez-lui, je vous prie, mes respects.

  1. Il paraît, d’après la lettre de Voltaire à d’Argental du 26 février 1756, que les comédiens, à cette époque, n’avaient pas encore remercié l’auteur de l’Orphelin de la Chine, représenté le 20 août 1755 avec le plus brillant succès.
  2. Il y a là une erreur de copiste. Rameau ne mourut qu’en 1764.
  3. Le marquis d’Argenson.